" Le leadership d'une entreprise est primordial pour accéder à l'égalité femmes-hommes " : Laurence Morvan, Accenture

Chez Accenture, la diversité et la mixité sont un gage de bon équilibre dans l'entreprise. Laurence Morvan, qui orchestre la transformation du Groupe avec son PDG Pierre Nanterme, en témoigne volontiers. Et est l'exemple même d'un parcours égalitaire possible.
Valérie Abrial
Laurence Morvan, membre du comité exécutif monde d'Accenture
Laurence Morvan, membre du comité exécutif monde d'Accenture (Crédits : DR)

Elle fait partie des 12% de femmes à siéger dans un COMEX ; le fameux comité exécutif que certains appellent l'irréductible plafond de verre tant leur féminisation est difficile. Laurence Morvan est directrice de cabinet du président directeur général d'Accenture, leader mondial des services aux entreprises, présent dans 120 pays, comptant 435 000 collaborateurs dans le monde et affichant un chiffre d'affaires de 34,9 milliards de dollars. Un contexte d'autant plus impressionnant, que Laurence Morvan a dû orchestrer la réorganisation du Groupe aux côtés de Pierre Nanterme qui, lorsqu'il prend la Direction Monde d'Accenture, il y a six ans, décide d'accélérer la transformation technologique et digitale de l'entreprise.  Transformation réussie : partie de zéro, elle a réorienté les métiers du Groupe vers des services digitaux qui représentent aujourd'hui presque 50% du chiffre d'affaires. Alors bien sûr, cette réorganisation est le fruit d'un travail collaboratif mais il est réjouissant de rappeler que son orchestration a été menée par une femme, qui depuis décembre 2016, siège au COMEX Monde du groupe. C'est ce que certains appellent encore : avoir franchi le double plafond de verre. Et quand on lui demande si le chemin parcouru a été difficile, la réponse est limpide et sans détours : « mon parcours n'a pas été semé d'embuches ; en revanche il n'a pas été linéaire. J'ai connu des moments d'accélération, d'autres où j'ai pris le temps de travailler dans la transversalité et de me nourrir de mes activités et, in fine, une nouvelle phase d'accélération. Un parcours professionnel dépend étroitement de la sphère privée et j'ai toujours été convaincue que les deux étaient nécessaires à mon épanouissement. Je n'allais pas en privilégier une au détriment de l'autre. J'ai avancé en portant mon attention aux deux et en actant mes choix aux moments les plus opportuns ». Comme quoi, l'ambition, souvent décriée dès qu'elle concerne les femmes, n'est pas l'apanage des égoïstes. Car il faut bien le rappeler (hélas), d'aucun n'ont de cesse de croire qu'une femme ambitieuse est forcément une femme qui délaissera sa famille ou pire encore prendra la décision de ne pas en construire. Pensée inconsciente que le monde en général ne se pose jamais pour un homme et qui perdure au cœur d'un héritage culturel dont nous peinons à nous délester. Laurence Morvan en a fait les frais à un moment de sa carrière. Moment qui lui a ouvert les yeux sur la condition des femmes dans l'entreprise, elle qui ne s'était jamais sentie inférieure ou encore moins freinée dans son parcours, simplement parce qu'elle était une femme.

Transformer le regard inconscient

C'est donc quelques mois après un retour de congés maternité, alors qu'elle est sur le point d'être promue, que Laurence Morvan s'entend dire que le poste sera trop difficile à gérer et très certainement incompatible avec sa nouvelle vie de mère. Réflexions qui n'auraient pas eu lieu d'être vis à vis d'un homme, même avec sa nouvelle vie de père. En tous les cas, une prise de conscience chez la jeune mère de l'époque qui réalise que sous l'apparence d'un paternalisme bienveillant se cache le plus souvent un sexisme ordinaire.

« Cela dit, je crois que cela a été la seule embuche dans mon parcours ». Chanceuse Laurence Morvan ? Peut-être. Mais cela tient aussi pour beaucoup de l'environnement entrepreneurial : « dans un contexte mondial comme celui d'Accenture, la diversité est au cœur du quotidien de l'entreprise. Au COMEX ont toujours siégé des personnes venues de tous horizons, rappelle Laurence Morvan. Nous ne jugeons pas quelqu'un ou pensons que son expérience et savoir-faire dépendent de sa nationalité. Chez Accenture, on considère depuis longtemps que le talent n'est pas une question de genre et que la diversité est indispensable au bon équilibre d'une entreprise ». Effectivement, cela semble logique pour un groupe présent dans 120 pays. Mais, de manière générale, l'évidence quant au genre n'est pas aussi limpide dans d'autres grands groupes. Car lorsqu'il s'agit de nommer des femmes à des postes stratégiques, bien souvent le bât blesse. En 2007, les femmes représentaient 8% des membres des comités exécutifs des grandes entreprises. 10 ans plus tard, on note une augmentation de 3,59%, un bien faible pourcentage à considérer que les cadres sont à 31,69 % des femmes (source : Étude Skema 2017). Côté conseil d'administration, il en est tout autrement. Alors qu'en 2007, les C.A. comptaient 8,5% de femmes, en 2016, le chiffre est monté à 35,64%. Un accroissement que l'on doit directement à la loi Copé-Zimmerman de 2011 qui oblige les grandes entreprises à compter 40% de femmes dans leur conseil d'administration à partir de janvier 2017. On est bien sûr tenter de dire qu'il faudrait une action législative pour accélérer la féminisation des comités exécutifs. Sans doute. Mais il y a aussi des groupes, qui par la voix de leur leadership, ont pris la mesure de la situation et décidé par leurs propres actions de rattraper ce retard jugé inacceptable en termes d'égalité et de diversité. C'est en tous les cas l'une des grandes directives initiées par Pierre Nanterme lorsqu'il prend la présidence d'Accenture et pour qui certains collaborateurs du Groupe lui reconnaissent une phrase pour le moins explicite : « Les femmes et les hommes sont égaux. Point barre ».

Changer la culture d'entreprise

« Je travaille avec Pierre Nanterme depuis plus de dix ans. Il a été un levier capital dans ma progression. C'est lui qui a décidé de ma nomination au comité exécutif. Et quand je vois aujourd'hui l'importance et la transparence qu'il a mis dans les cibles en termes d'égalité, il est certain que le but est de les atteindre. Je suis convaincue que la culture d'entreprise impulsée au plus haut niveau est clé. Pierre Nanterme est un levier sur tous les critères de la diversité ; il challenge les équipes, opère des plans de succession et des nominations clé. Les objectifs sont clairs : atteindre la parité femmes-hommes des effectifs du Groupe au niveau mondial d'ici 2025 (nous en comptons aujourd'hui 41%) ; et avoir 25% de directrices exécutives d'ici 2020. Cette année, nous avons promu 38% de femmes managing director afin d'accélérer le rythme de progression. Dans le monde, plus de la moitié de nos effectifs sont dans des pays où Accenture est dirigé par une femme, notamment Julie Sweet présidente Accenture Amérique du Nord ou Rekha Menon présidente d'Accenture Inde». En France, le groupe a lancé un programme d'engagements « Equals Accenture - d'égale à égal » dans le but d'accéder à la pleine parité. On pourrait de fait s'interroger sur les dérives d'une accélération trop forte qui risquerait de nommer des femmes sur le simple critère qu'elles sont femmes, surtout dans un secteur technologique qui peine à se féminiser. « Nous sommes extrêmement vigilants sur ce point. Les premiers critères de recrutement sont bien sûr le talent et les compétences. En réalité, nous nous sommes aperçus que tout était une question de regard. Et grâce à notre politique égalitaire, nous sommes en train de changer la culture d'entreprise. Il y a encore quelques temps, lors d'un recrutement ou d'une promotion, lorsqu'il fallait choisir entre deux candidats à compétences égales, la réaction inconsciente et souvent systématique était de choisir l'homme. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'année dernière, nous avons réalisé un test auprès de tous les collaborateurs susceptibles d'être en situation de porter un jugement. Il s'agissait d'un test de simulation d'un entretien annuel sans dire si la personne était un homme ou une femme. A la suite de quoi nous demandions s'il fallait promouvoir ou pas ladite personne. Une fois le choix opéré, nous révélions s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Cela a vraiment permis de sensibiliser sur le risque de porter un regard et un jugement inconscient. Je crois que cette vigilance est un combat de tous les jours. Lorsque de surcroit l'engagement égalitaire est porté au plus haut niveau de l'entreprise, cela contribue à une prise de conscience plus rapide et forcement à des actions concrètes. C'est important de savoir que l'on peut contribuer à changer le monde ».

Valérie Abrial

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Commentaire 1
à écrit le 31/03/2018 à 2:08
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Blablabla ... Voir les audits sociaux attachés à cette entreprise !

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