Zuckerberg justifie le rachat de WhatsApp et défie les opérateurs

Par Delphine Cuny à Barcelone  |   |  767  mots
Le patron de Facebook invite les opérateurs à offrir en ilimité certains services de base comme... l'accès aux réseaux sociaux. (Crédits : DR)
Le PDG de Facebook s’est exprimé ce lundi devant le gratin de la planète mobile à Barcelone. Il a mis en avant le caractère stratégique de l’acquisition de l’application de messagerie et les bénéfices que les opérateurs mobiles peuvent tirer d’un monde plus connecté... s'ils font quelques efforts financiers en sa faveur.

Invité d'honneur de cette édition du Congrès mondial du mobile, Mark Zuckerberg est venu transmettre quelques messages à la communauté des télécoms réunie à Barcelone. Lors d'un « keynote » auquel plusieurs centaines de journalistes et professionnels du secteur se sont pressés ce lundi soir, le jeune PDG de Facebook, qui fêtera ses 30 ans en mai, vêtu de son traditionnel « uniforme », jeans et t-shirt kaki, est revenu d'emblée sur son acquisition pour le montant astronomique de 19 milliards de dollars de l'application mobile de messagerie WhatsApp, annoncée la semaine dernière. Une somme justifiée selon lui car « il y a d'une part la valeur d'une entreprise elle-même, en fonction de son chiffre d'affaires actuel, et la valeur stratégique de ce que nous pouvons faire ensemble. Or il existe très peu de services ayant le potentiel d'attirer un milliard d'utilisateurs et WhatsApp est en bonne voie d'y arriver. »

 « WhatsApp vaut plus que 19 milliards »

Il a convenu qu'après avoir fait une acquisition d'un tel montant, « on en a sans doute fini pour un moment. » Il considère cependant que « WhatsApp tout seul vaut plus que 19 milliards. » Citant d'autres services tels que le coréen KakaoTalk, le japonais Line et le chinois WeChat qui ont réussi à monétiser en gagnant quelques dollars par utilisateur, il estime que « Facebook va aider WhatsApp à grandir et cela deviendra une énorme entreprise. » Toutefois, il n'a pas précisé comment il comptait aider WhatsApp à monétiser son audience de 450 millions d'utilisateurs actifs. Le matin même, Jan Koum, le fondateur et directeur général de WhatsApp, avait expliqué lors de son propre keynote qu'il n'y avait « aucun changement prévu » à son service de messagerie après le rachat, si ce n'est l'ajout de la voix, qui sera lancé au deuxième trimestre. Il a promis que sa startup de 55 personnes continuerait « à faire zéro marketing, pas de publicité, aucune acquisition de client, chaque utilisateur nous le gagnons grâce aux recommandations de ses amis. »

Défi lancé aux opérateurs mobiles

Jan Koum a expliqué qu'il partageait avec Facebook « la même vision, connecter le monde, le rendre plus ouvert. » Mark Zuckerberg a enfoncé le clou quelques heures plus tard, lançant aux opérateurs « vous parlez de connecter le prochain milliard d'ici 2020, je pense que l'on peut faire beaucoup plus et connecter tout le monde, dans dix ans, les 2,5 milliards de personnes qui n'ont pas accès à Internet aujourd'hui. » Il a longuement expliqué la démarche de l'initiative Internet.org, qu'il a lancée en août 2013 avec Nokia, Samsung, Ericsson, Qualcomm, Opera et MediaTek, pour offrir un accès abordable à l'Internet mobile dans les pays émergents. Or il considère que ce n'est pas tant le prix des smartphones qui est un frein, certains modèles coûtent désormais 25 dollars, mais celui des forfaits incluant des données. « Il faut commencer par offrir des services de base comme la messagerie, la météo, la recherche et les réseaux sociaux pour donner envie à ces gens d'acheter un abonnement, même de quelques dollars. Notre vision est qu'au bout du compte ce sera plus rentable pour les opérateurs car ils auront plus d'abonnés. »

Vision messianique … et intérêt mercantile

En attendant, il les invite à offrir un accès illimité à ce type de services dans des forfaits à bas prix comme c'est le cas de son partenaire Globe Telecom aux Philippines, qui serait « proche de l'équilibre » dans l'opération selon Zuckerberg. Une vision messianique qui n'est bien sûr pas dénuée d'intérêt mercantile pour le premier réseau social mondial, qui a évidemment tout à gagner, comme Google, qu'il y ait plus d'internautes dans le monde. Vittorio Colao, le patron de Vodafone, a déjà fait savoir qu'il était hors de question d'offrir l'accès illimité à Facebook dans les pays émergents. Zuckerberg a déclaré qu'il cherchait « 3 à 5 autres partenaires vraiment décidés à vouloir connecter le monde. » Il s'agit d'un « projet à long terme, qui a le soutien du conseil d'administration de Facebook » même s'il pense qu'il « continuera à perdre de l'argent pendant encore un moment » sur cet investissement, qu'il n'a pas précisément chiffré…

« La proposition de Zuckerberg est très centrée sur Facebook, seuls le réseau social et les acteurs Internet en tireraient les bénéfices immédiats et les perspectives de monétisation directe pour les télécoms sont minces » relève Eden Zoller, du cabinet Ovum, qui se montre plutôt sceptique sur l'adhésion des opérateurs.