Vivendi a reçu deux offres de Bouygues et de Numericable pour SFR

Par Delphine Cuny  |   |  769  mots
Martin Bouygues devrait défendre ce jeudi « un projet industriel créant un vrai leader des télécoms, au bénéfice des consommateurs et de tous » et mettre en avant son attachement de longue date au secteur.
Deux offres ont été déposées auprès de la maison-mère qui avait fixé mercredi 20h comme date-butoir. Bouygues, qui se serait aligné sur la partie cash, présentera en détail ce jeudi son projet aux investisseurs.

Deux propositions de mariage en bonne et due forme : le conseil de surveillance de Vivendi a bien reçu deux offres de rachat de sa filiale SFR, l'une émanant de Numericable l'autre du groupe Bouygues. Les deux valoriseraient le numéro deux français des télécoms autour de 15 milliards d'euros. Un comité ad hoc au sein du conseil de surveillance de Vivendi, composé de quatre administrateurs dont les trois indépendants, Henri Lachmann (Schneider), Alexandre de Juniac (Air France KLM) et Daniel Camus (The Global Fund), et le représentant des actionnaires salariés, aura une huitaine de jours pour décortiquer ces pavés d'une centaine de pages assortis de nombreuses réserves juridiques avant que le conseil lui-même n'émette un avis : plusieurs issues sont possibles, un rejet des deux offres, éventuellement en demandant des améliorations ou en poursuivant la piste de la scission, l'approfondissement des discussions en parallèle avec les deux candidats, l'ouverture de négociations exclusives avec l'un d'eux.

« Une affaire de gros sous » avant tout

« In fine, ce sera une affaire de gros sous, de valorisation immédiate et à terme », explique un proche du conseil. Numericable et son actionnaire Altice ayant déjà fait largement filtrer les termes de son offre informelle proposée le 21 janvier dernier, à savoir 11 milliards d'euros en cash et 32% du nouvel ensemble fusionné, financés à hauteur de 8 milliards en dette et de 3 milliards par augmentation de capital, Vivendi espérait que Bouygues proposerait davantage. C'est, semble-t-il, le cas. Selon Le Figaro, le groupe Bouygues proposerait à Vivendi une offre valorisant SFR un peu plus de 15 milliards d'euros et plus de 40% du capital de la nouvelle entité fusionnée, et ferait miroiter 10 milliards d'euros de synergies, soit 4 milliards de plus que celles, déjà ambitieuses, estimées pour le deal Numericable (Altice attend 12 milliards de synergies).

Bouygues s'aligne sur la partie cash

Selon nos informations, Bouygues se serait aligné sur la partie cash, qui serait équivalente, de l'ordre de 4 à 5 milliards après reprise de dettes de 6 milliards. Quatre critères seront pris en compte pour examiner les offres : la valorisation, en particulier la part versée en cash et la durée de détention de la participation minoritaire dont héritera Vivendi dans le nouvel opérateur, la gouvernance « partagée, équilibrée » dans une structure bicéphale, le projet industriel, qu'il s'agisse d'un renforcement dans le très haut débit fixe ou mobile, et enfin l'absence de casse sociale.

Sur ce point, le groupe s'engagerait à ne procéder à aucun départ contraint, ce qui n'empêche pas un plan de départs volontaires. Numericable aussi avait assuré qu'il ne prévoyait aucun licenciement. Le groupe Bouygues présentera dès ce jeudi matin aux investisseurs le schéma envisagé : l'opération se ferait au niveau de la filiale Bouygues Telecom et pas de la maison-mère, laquelle n'aurait pas besoin d'effectuer une augmentation de capital ou de céder des activités ou participations comme Alstom pour boucler le financement.

Emploi, investissement et qualité de service, priorités de l'Etat

A la mi-journée, à la sortie du conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem avait indiqué les « trois critères » sur lesquels le gouvernement appuierait son analyse : « Surtout l'emploi évidemment, celui de la capacité à investir dans l'outil industriel et puis celui de la qualité du service qui pourra être fourni aux consommateurs. » Mais le gouvernement s'est gardé d'exprimer une préférence pour tel ou tel candidat, après plusieurs semaines de lobbying intense des deux parties : François Hollande a reçu Martin Bouygues, mais Patrick Drahi, le principal actionnaire de Numericable, a été également reçu, le même jour, à l'Elysée. Le dossier est regardé de près par l'Etat, qui ne souhaite pas cependant donner l'impression de se mêler des affaires d'entreprises privées, après le délicat précédent Dailymotion.

Si le gouvernement a donné l'impression qu'il préfèrerait un mariage entre SFR et Bouygues Telecom, le plus affaibli par l'arrivée fracassante de Free Mobile, il appréhende le marché de façon globale et ne veut pas être « pris en otage » ni donner « sa bénédiction à n'importe quelle opération », confie une source gouvernementale. Selon une source proche, Martin Bouygues devrait défendre ce jeudi « un projet industriel créant un vrai leader des télécoms, au bénéfice des consommateurs et de tous » et mettre en avant son attachement de longue date au secteur.

> Le communiqué de Vivendi annonçant avoir reçu deux offres engageantes