Coup de blues chez SFR après les mauvaises notes sur le réseau

Par Delphine Cuny  |   |  861  mots
« Vis-à-vis de l’extérieur, les équipes réseaux ont carrément honte et vivent ces résultats comme une humiliation » ont réagi les représentants de la CFDT.
Les rapports sur la qualité du réseau mobile et la couverture 4G ont mis un coup au moral des équipes chez l’opérateur, en passe d’être intégré par Numericable.

« Un grand coup sur la tête, puis un deuxième » raconte un salarié de SFR, amer et sonné. La publication, coup sur coup fin juin et début juillet, de deux enquêtes du régulateur des télécoms, l'Arcep, aux résultats accablants pour l'opérateur ont mis un sérieux coup au moral des équipes. En qualité de service du réseau mobile, SFR, qui avait été leader dans les années 2008-2009, n'a de notes au-dessus de la moyenne que dans 38 cas sur 258 indicateurs. Et en matière de débit en 3G, Free Mobile ne se situe pas très loin de SFR, à 4 Mégabits/seconde.

Ensuite, sur la 4G, l'Arcep a montré que SFR ne couvre que 30% de la population, quand il en annonçait plus de 40%, ce qui est à peine mieux que Free Mobile (24%). Et la couverture du territoire frise le ridicule, 1,7%, contre 22% pour Bouygues Telecom qui a le réseau 4G le plus déployé.

 

« Vis-à-vis des autres entités SFR, le grand public, SFR Business Team, la division opérateurs, les équipes réseaux sont mal à l'aise après avoir vendu à leurs collègues que SFR est le réseau n°1, un réseau « premium » Vis-à-vis de l'extérieur, les équipes réseaux ont carrément honte et vivent ces résultats comme une humiliation » ont réagi les représentants de la CFDT chez l'opérateur, lors du dernier comité central d'entreprise. « Les salariés ambassadeurs sont questionnés par leur entourage » ont-ils fait valoir.

 

Pour la première fois en 20 ans derrière Bouygues Telecom


Embarras, colère et frustration chez ces salariés peinant à défendre leur entreprise, dont «la force résidait précisément dans la qualité du réseau » observe l'un d'eux. La direction de SFR a tenté de calmer les critiques en interne en soulignant que les mesures de l'Arcep avaient eu lieu en pleins travaux de rénovation du réseau et que, malgré tout, plusieurs indicateurs étaient en amélioration par rapport à la précédente enquête, mais que SFR avait progressé moins vite que les autres...

 

« SFR n'est plus le challenger d'Orange sur la qualité : 213 podiums contre 38, l'écart est immense. SFR n'est plus au-dessus de Bouygues sur la qualité, pour la première fois depuis 20 ans. SFR est maintenant bon dernier sur le podium » déplore la CFDT, traduisant le désarroi d'une partie des équipes.

 

« Si on nous avait dit ça il y a deux ans... » soupire un salarié, entre incrédulité et écœurement. D'autres appellent à faire « le gros dos » pendant les perturbations du réseau. La CFDT parle au contraire de « dégringolade continue depuis 5 ans » due à de mauvais choix et une reconstruction du réseau « sans considération des clients, à la mode BTP : les travaux se voient et gênent les clients », qui se plaignent... « La rénovation du réseau n'est pas la seule coupable, c'est aussi qu'on ne se donne plus assez les moyens financiers et humains » dénonce le syndicat.

Après le tsunami Free Mobile, « on nous avait dit qu'il fallait arrêter de faire la sur-qualité, maintenant SFR fait de la sous-qualité » s'agace la centrale. « Sur le réseau, ce sont tout de même 10% des emplois qui ont été supprimés à l'issue du plan de départs volontaires de 2012-13 » confie Olivier Lelong délégué syndical central CFDT, qui pointe « un problème de répartition des emplois : on a déshabillé les régions. »

Autre sujet d'inquiétude, le projet de mutualisation des réseaux mobiles avec Bouygues Telecom, baptisé CROZON, « qui patine depuis son lancement [et] est toujours à l'arrêt sur plusieurs aspects : locaux de la joint-venture, constitution de l'équipe détachée », constate la CFDT, alors que SFR devait réaliser « une part non négligeable d'itinérance 4G sur le réseau de Bouygues Telecom dès le deuxième semestre afin d'augmenter artificiellement pendant 2 ans la couverture 4G offerte à nos clients. »

Crainte de pertes de clients

 Ces mauvaises notes rendues publiques auront-elles un impact commercial ? Le syndicat affirme que des signaux sont déjà perceptibles : une insatisfaction des clients grand public qui « augmente partout ou presque » sur la qualité de la voix, des résiliations de clients Entreprises « à cause du réseau » laissant le champ libre à Orange Business Services, le grand concurrent, qui leur propose de « choisir le véritable réseau n°1. » Seule parade possible : « des réductions à tout-va pour faire rester les clients » rapporte un commercial. Ce qui n'est pas bon pour le revenu moyen par abonné (ARPU). « Il n'y a pas d'hémorragie non plus » relativise un cadre.

Patrick Drahi, le principal actionnaire d'Altice-Numericable, qui espère finaliser l'acquisition de SFR à l'automne, a indiqué sa priorité donnée à la remontée des marges. Mais comment remonter les prix quand la qualité du réseau n'est pas au rendez-vous ? Il faudra sans doute mettre un coup de collier en matière d'investissement pour pouvoir présenter le nouvel ensemble fusionné comme « le champion du très haut débit fixe-mobile » promis par le patron du câblo-opérateur...