DVD, CD, clés USB : c'est la France qui taxe le plus

Par Giulietta Gamberini  |   |  762  mots
En 2012, 2,65 euros par habitant étaient perçus par l'ensemble des 21 sociétés qui réunissent les bénéficiaires de la redevance: à savoir une somme près de cinq fois supérieure à la moyenne européenne.
La "redevance pour copie privée", rémunération perçue sur le prix d'achat de tout support d'enregistrement par les titulaires du droit d'auteur, est systématiquement plus élevée en France que dans le reste de l'Europe. En cause, des barèmes trop élevés, dénonce l'UFC-Que Choisir.

Lorsqu'ils achètent un support de stockage (DVD ou CD vierge, clé USB, disque dur externe, tablette, smartphone etc.) les consommateurs français sont gravement pénalisés par rapport aux autres Européens. La faute revient à la mise en oeuvre du mécanisme de la "redevance pour copie privée" (RCP), dénonce l'association de consommateurs UFC-Que Choisir dans une étude publiée mardi 25 novembre.

Un mécanisme partagé par 26 Etats européens

Mise en place par la loi en 1985, la redevance pour copie privée est une rémunération perçue sur le prix d'achat de tout support d'enregistrement de films, morceaux de musique, livres, images etc., pour être ensuite reversée aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs de ces œuvres ainsi qu'à leur ayants droit. Elle sert à compenser le préjudice subi par ces derniers en raison d'une exception au droit d'auteur instaurée en 1957, qui autorise les consommateurs à réaliser, pour leur usage personnel, des copies privées d'oeuvres, à condition que ces dernières soient acquises licitement.

Or, si ce système n'est pas une spécificité française, puisqu'il est adopté par 26 pays de l'Union européenne sur 28, les montants payés par les consommateurs français sont néanmoins sans commune mesure en Europe, dénonce l'UFC.

Des barèmes toujours plus élevés en France qu'à l'étranger

En 2012, 2,65 euros par habitant étaient perçus en France par l'ensemble des 21 sociétés qui réunissent les bénéficiaires de la redevance: à savoir une somme près de cinq fois supérieure à la moyenne européenne. Et en 2013, année où la somme récoltée s'élevait, "au moins", à 208 millions d'euros (hors TVA), l'Hexagone aurait capté près de 60% de l'ensemble des perceptions au sein de l'UE, estime l'association qui, en l'absence de toute publication de données officielles par le ministère pour l'année passée, a dû se fonder sur un document interne de l'une de ces sociétés.

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Cette pression toute particulière sur le consommateur français a une explication simple, selon l'UFC: l'organisation faussement paritaire de la Commission nationale chargée de déterminer les supports assujettis à la redevance et les barèmes qui s'y appliquent. Sa moitié étant constituée des représentants des bénéficiaires de la rémunération, ceux-ci peuvent très facilement faire voter les barèmes qui leur conviennent.

Une répercussion sur les prix

Ainsi, alors que, à titre d'exemple, un consommateurs paie 90 centimes de redevance par DVD vierge acheté en France, il ne dépense que 20 centimes en Italie. Pour une clé USB de 128 Go, la redevance est de 1,35 euro en Belgique contre 12,80 euros en France, et pour un disque dur externe de 1 To, elle s'élève à 1 euro aux Pays-Bas contre 20 euros dans l'Hexagone. Quel que soit le supports choisi, les barèmes français se révèlent toujours être les plus élevés.

Cette rémunération particulièrement élevée des auteurs est d'ailleurs bien à la charge des consommateurs: "Ni les industriels, ni les revendeurs ne rognent sur leurs marges pour l'absorber", note l'UFC. Une comparaison des prix payés pour les supports d'enregistrement dans neuf pays européens montre en effet que ceux-ci sont systématiquement plus élevés en France qu'ailleurs et étroitement corrélés avec le montant de la redevance.

La recherche d'un consensus entre bénéficiaires et payeurs de la redevance s'impose, selon UFC

Dans l 'attente d'une harmonisation européenne -la Commission Juncker s'est fixée un délai de 18 mois pour réfléchir à une modification de la directive de 2001 sur le droit d'auteur-, l'association réclame donc une réforme de ce "système fatigué et au bout de souffle", et notamment de la Commission, qu'elle a d'ailleurs quittée. Si l'idéal serait à ses yeux d'en revoir radicalement la composition, une modification du mode de scrutin, de la majorité simple à celle qualifiée de deux tiers, lui paraît du moins indispensable pour imposer la recherche d'un consensus entre les bénéficiaires et les payeurs de la redevance (industriels et consommateurs).

Une telle réforme répondrait à l'intérêt de tout le monde, rappelle UFC Que Chosir. Car quand pour de se soustraire à cette "fièvre inflationniste française" les consommateurs choisissent d'acheter leurs produits à l'étranger, cela implique une absence totale de rémunération pour les auteurs comme d'ailleurs de recettes pour l'Etat.