Réguler le prix des SMS ? Bruxelles est contre, la France pour

Par Delphine Cuny  |   |  528  mots
Les Français, gros consommateurs de SMS, ne seraient que 20% à utiliser régulièrement des applications de messagerie instantanée.
La Commission européenne n'est pas d'accord avec le gendarme français des télécoms, l'Arcep, qui entend continuer à fixer les tarifs de gros des terminaisons d’appels SMS entre opérateurs. L’Arcep a deux mois pour se justifier.

Bruxelles sermonne l'Arcep. La Commission européenne a prié le gendarme français des télécoms de revoir sa copie en matière de régulation des prix de gros des SMS, les terminaisons d'appels que se facturent les opérateurs entre eux et qui peuvent avoir un impact sur les prix de détails payés par les consommateurs. Dans un courrier adressé le 28 novembre et signé du nouveau Commissaire en charge des dossiers Economie et société numériques, Günther Oettinger, elle lui a fait part de ses « doutes sérieux » et souhaiterait que l'Arcep cesse de fixer les prix de ce marché qui n'est « pas régulé dans 25 des 28 Etats membres. »

« Maintenir des terminaisons SMS à des niveaux que l'on n'observe pas sur des marchés concurrentiels empêche des services de messagerie alternatifs de se développer, entravant ainsi la concurrence à moyen et long terme. Cela pourrait réduire en fin de compte les bénéfices pour le consommateur en termes de choix, de qualité et de prix » écrit la Commission européenne.

Des SMS illimités et moins de WhatsApp

Le gendarme français souhaite maintenir jusqu'en 2017 à 1 centime d'euro la terminaison d'appel SMS, qu'il régule depuis 2006 (elle a été divisée par trois depuis). L'Arcep rappelle que le marché des terminaisons d'appel constitue « des monopoles structurels » (chaque opérateur ayant le monopole de sa terminaison, qui compense l'acheminement de l'appel ou du SMS).

« Cette régulation a favorisé  la concurrence et permis la généralisation des offres d'abondance au bénéfice des utilisateurs » plaide l'Arcep, dans un communiqué publié mercredi soir.

Grâce à l'inclusion des SMS illimités dans de nombreux forfaits, dès 2 euros chez Free Mobile par exemple, les Français sont de gros consommateurs de mini-messages, en moyenne 250 textos envoyés par client par mois, soit plus que dans la plupart des pays européens. Mais ils sont moins séduits par les messageries instantanées de type WhatsApp (rachetée par Facebook), Line, WeChat, qui cartonnent en Espagne et aux Pays-Bas notamment : les Français ne seraient que 20% à les utiliser régulièrement, selon l'Arcep. Le régulateur français souligne que le SMS a l'avantage d'être universel et interopérable, alors que près d'un Français sur deux n'a pas de smartphone.

« On marche sur la tête ! » réagit un opérateur. « En clair, la Commission déplore que la régulation pénalise les OTT », ces acteurs « over-the-top », intervenant « par-dessus les réseaux » des opérateurs nationaux. « Il y a des SMS illimités dans quasiment toutes les offres de téléphonie mobile aujourd'hui. C'est aux consommateurs de choisir s'ils préfèrent envoyer des SMS ou utiliser une messagerie instantanée. » Un autre opérateur estime que « la Commission s'égare, avec un argumentaire baroque.»

La Commission a ouvert une « procédure d'investigation approfondie  et d'échanges » avec l'Arcep et le groupement des régulateurs européens (BEREC), qui donnera son avis : elle tranchera dans deux mois si elle approuve ou non la copie du gendarme français.

> Lire la lettre de la Commission européenne