A La Poste, la souffrance au travail fait débat

Par Pierre Manière  |   |  590  mots
« La gestion du temps de travail des facteurs », « les « rythmes et charges de travail », les « évolutions des organisations de travail », les « remplacements » et « l’amélioration des conditions de travail » comptent parmi les thèmes qui seront débattus lors des négociations avec les syndicats.
Alors qu’au sein du groupe, des voix s’élèvent pour fustiger la dégradation des conditions de travail, la direction a décidé de suspendre certains projets de réorganisation.

Le dossier est possiblement explosif. Après plusieurs cas de souffrance au travail et de suicides, les syndicats accusent directement les réorganisations mises en place par la direction, lesquelles auraient accouché d'un climat social très dégradé et délétère dans plusieurs services du groupe. Largement médiatisé, le suicide récent d'un postier de 53 dans le Haut-Doubs a notamment mis le feu aux poudres. Depuis, les représentants du personnel ont engagé un bras de fer avec la direction. Face à cela, et alors que beaucoup s'inquiètent d'une affaire semblable à celle des suicides à France Télécom à la fin des années 2000, la direction a ouvert une « négociation nationale » jusqu'à la mi-décembre sur les conditions de travail des facteurs et au sein de la branche courrier-colis. Et depuis ce mercredi, celle-ci a décidé de suspendre, pendant ces débats, les réorganisations dans ces activités.

En mode déminage, la direction de La Poste a affirmé que « tous les thèmes » chers aux syndicats seront discutés. Elle cite ainsi « la gestion du temps de travail des facteurs », les « rythmes et charges de travail », les « évolutions des organisations de travail », les « remplacements » et « l'amélioration des conditions de travail ». En outre, elle a aussi accepté l'ouverture de négociations sur les conditions de travail des conseillers financiers.

« Un signe fort envoyé aux facteurs »

Ces simili-concessions, les syndicats les voient comme une première victoire. A la CGT, Valérie Mannevy se félicite que « la question de l'emploi soit une priorité dans ces négociations ». « Ça, c'est très important », ajoute-t-elle à l'AFP. Même son de cloche pour la CFDT. Dans un communiqué fleuve, l'organisation appelle « au comblement immédiat de toutes les vacances d'emplois et des départs programmés ». Il en va de même chez SUD-PTT : « Les discussions sur l'emploi étaient [jusqu'alors, Ndlr] taboues à La Poste », constate l'organisation syndicale. Idem chez FO. Pour un de ses responsables, Philippe Charry, l'initiative de la direction constitue « un signe fort envoyé aux facteurs qui souffrent des réorganisations permanentes de leurs conditions et horaires de travail, devenues un mode de fonctionnement ».

Sur le fond, la direction de La Poste n'a jamais autant marché sur des œufs. Il y a deux semaines, huit cabinets réalisant des expertises pour le compte du CHSCT ont adressé une lettre au président du groupe. Dans cette missive, ils dénonçaient une « dégradation des conditions de travail et le mépris du dialogue social manifesté dans les différents secteurs et aux différentes échelles du groupe », évoquant une « situation préoccupante du fait de la rapide dégradation de l'état de santé des agents ». La cause, selon eux, est toute trouvée : « Les réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées. » En réaction, la direction a affirmé avoir pris connaissance de cette lettre « avec beaucoup de sérieux ».

Reste que c'est bien le cœur de stratégie de La Poste qui est ici pris pour cible. Face à la dégringolade des volumes du courrier, La Poste a réorganisé ses services ces dernières années. Ce qui s'est soldé par une baisse des effectifs très importante, de l'ordre de 3.000 à 5.000 postes en moins par an rien que pour les facteurs depuis 2005.

(avec AFP)