Allemagne : l'extrême droite domine le débat sur Twitter

Par Grégoire Normand  |   |  856  mots
Le parti d'extrême droite est crédité de 11% d'intentions de vote avant le scrutin de dimanche.
Des chercheurs de l'université d'Oxford ont indiqué que les militants du parti nationaliste AFD en Allemagne avaient contribué à propager des messages de propagande en masse sur le réseau social. Si ces résultats peuvent paraître inquiétants, les conséquences d'une telle pratique sur le comportement électoral demeurent relativement limitées.

La droite nationaliste domine le militantisme numérique en Allemagne. D'après une étude menée par des chercheurs de l'université d'Oxford, l'extrême droite allemande a inondé Twitter de messages de propagande quelques semaines avant le scrutin des élections fédérales prévues ce dimanche. Si les derniers sondages annoncent des résultats très favorables au bloc CDU-CSU emmené par Angela Merkel, le score du parti de la droite nationaliste Alternative für Deutschland (AfD) devrait être très surveillé. Avec 11% d'intentions de vote, l'AFD progresse encore d'un point cette semaine et conforte son rang de troisième force politique dans les sondages.

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"Une domination absolue"

Pour établir leurs résultats, les chercheurs ont collecté un échantillon d'environ 1 million de tweets provenant de 149.573 comptes uniques à partir de mots-clés (hashtags) relatifs aux élections législatives. A partir de ces données collectées entre le premier et le dix septembre 2017, il apparaît que les conversations à propos de l'AFD et de ses candidats ont largement dominé le volume des discussions collectées (environ 30%). Concernant les résultats du bloc CDU/CSU et de la chancelière Merkel, ils représentent 18,2 % du volume collecté. Enfin, le SPD du candidat Martin Schulz représentait 8,9% du total contre 2,6% pour les libéraux du FDP et 1,5% pour Die Linke. Les partisans de l'AFD, qui espère remporter quelques sièges au parlement dimanche prochain, "sont très actifs dans la twittosphère allemande" conclut l'étude.

Interrogée par le Financial Times, la chercheuse Lisa-Maria Neudert, qui a mené l'étude, a déclaré que l'AFD avait "dominé de manière absolue" le trafic sur le réseau social en Allemagne. Elle ajoute que la formation politique "est très active sur les réseaux sociaux. Ils ont beaucoup de followers et une bonne stratégie de communication, basée avant tout sur les réseaux sociaux". Le quotidien financier relève néanmoins que l'étude ne fait pas de distinction entre les discussions qui sont favorables à l'AFD et celles qui s'y opposent.

Un faible recours aux robots

Contrairement à un usage répandu dans la communication politique, l'utilisation des comptes Twitter diffusant des messages automatiques a été relativement limitée. "La part du trafic à haute fréquence généré par des comptes s'intéressant aux élections fédérales n'était pas considérable". Au total, les chercheurs ont identifié seulement 92 comptes automatiques sous forme de bots qui ont produit 73.012 tweets durant les dix jours de l'enquête sur une sélection de 905.465 messages, ce qui représente 7,4% du trafic total. Ces résultats "suggèrent un niveau très modéré d'automatisation".

Par ailleurs, même si le nombre d'usagers sur Twitter évalué à 1 million chez nos voisins allemands est relativement modéré par rapport aux 30 millions de comptes Facebook recensés outre-Rhin, Mme Neudert rappelle que Twitter est considéré comme un outil important pour "les leaders d'opinion et les influenceurs" et peut servir de canal de communication direct entre les politiciens et les journalistes.

Dans leur conclusion, les chercheurs rappellent qu'internet peut servir à manipuler l'opinion publique et que les réseaux sociaux ne sont pas forcément le reflet des forces politiques en présence dans le pays.

"Nous avons trouvé qu'en Allemagne, les conversations à propos de la politique sur Twitter n'étaient pas le reflet des sondages. Le parti d'opposition AFD est dominant sur Twitter, avec des robots qui agissent en leur faveur. Les utilisateurs des réseaux sociaux en Allemagne partagent de nombreux liens sur des informations politiques, mais ces liens renvoyant vers des sites d'information professionnels sont plus nombreux que ceux renvoyant vers des sites bidons".

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L'Allemagne en pointe dans la lutte contre la désinformation

La lutte contre les fake news a pris de l'ampleur outre-Rhin. Au mois d'avril dernier, l'Allemagne a approuvé au mois d'avril un projet de loi pour infliger jusqu'à 50 millions d'euros d'amende aux réseaux sociaux rechignant à lutter contre les contenus haineux et les "fausses informations". Dans un communiqué, le gouvernement de Merkel a indiqué :

"Lorsqu'ils ne sont pas combattus de manière effective et ne font pas l'objet de poursuites, les crimes haineux représentent une grande menace pour la coexistence pacifique dans une société libre ouverte et démocratique."

D'après ce projet de loi qui vise notamment Facebook, Twitter ou Youtube, les réseaux sociaux ont un délai de 24 heures après leur signalement pour supprimer ou bloquer les "publications manifestement délictueuses", tandis que "les autres contenus délictueux doivent être effacés ou bloqués dans les sept jours suivant le signalement". "Cela concerne aussi les copies de ces contenus délictueux", ajoute encore le gouvernement. S'il est encore tôt pour établir un bilan de cette politique, il est possible que son efficacité soit dérisoire au regard du volume de messages diffusés sur les réseaux sociaux.

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