Altice élève une muraille entre l'Europe et les Etats-Unis

Par Pierre Manière  |   |  619  mots
Patrick Drahi, le fondateur et propriétaire d'Altice, la maison-mère de SFR. (Crédits : © Benoit Tessier / Reuters)
Pour éviter que ses câblo-opérateurs aux Etats-Unis ne payent aussi en Bourse les difficultés de SFR en France, Patrick Drahi a décidé de séparer complètement ses deux activités des deux côtés de l’Atlantique.

Le 24 mai dernier, Patrick Drahi, le fondateur et propriétaire d'Altice, était tout sourire. A New York, lors d'un grand show diffusé en mondovision, le chef de file du géant des télécoms et des médias donnait le coup d'envoi d'une vaste opération de « rebranding ». But de la manœuvre : fédérer les différentes entités du groupe sous la même bannière d'Altice. Patrick Drahi souhaitait alors que sa société, qualifiée de « grande famille », soit désormais considérée comme un vrai groupe mondial. Et non comme une accumulation d'actifs disparates rachetés opportunément à grands coups de LBO.

Huit mois plus tard, l'état-major d'Altice souhaite, au contraire, en finir avec cette image d'un groupe qui marche comme un seul homme. Pourquoi ? Parce que cette image est devenue nuisible, notamment pour ses câblo-opérateurs aux Etats-Unis. Il faut dire qu'au mois de novembre, lorsque les déboires de SFR ont provoqué une sévère dégringolade de sa maison-mère à la Bourse d'Amsterdam, ses filiales américaines en ont payé le contrecoup à Wall Street malgré des résultats honorables. Voilà notamment pourquoi, dans la nuit de lundi à mardi, Altice a annoncé la séparation complète de ses activités en Europe et aux Etats-Unis. Concrètement, le groupe va muer en deux entités distinctes, indépendantes, avec des objectifs propres et un management dédié. D'un côté Altice USA, qui réunit les câblo-opérateurs Suddenlink et Cablevision. Et de l'autre côté Altice Europe, qui rassemble trois entités : Altice France (SFR Telecom, SFR Media), Altice International (dont Portugal Telecom, Hot en Israël), et une nouvelle filiale de télévision payante, Altice Pay TV.

« Clarté et simplicité »

Avec cette réorganisation, Patrick Drahi espère ainsi protéger ses activités américaines, et remonter la pente en Bourse. Conscient que la structure « complexe » d'Altice suscitait jusqu'alors l'inquiétude de certains investisseurs, Dexter Goei, le DG d'Altice USA, mise sur cette séparation pour les rassurer. « Nous avons deux activités distinctes dans deux régions géographiques différentes, a-t-il affirmé lors d'une conférence téléphonique. Dans la durée, nous espérons que la clarté et la simplicité de la structure vont aider nos actionnaires à soutenir par la suite les initiatives [engagées]. »

Concrètement, la restructuration d'Altice se fera via une un spin-off (répartition secondaire d'action), qui séparera Altice USA de Altice NV, la maison-mère du groupe, de droit néerlandais. Sachant que cette dernière possède aujourd'hui 67,2% de la filiale américaine. Au terme de l'opération, Patrick Drahi gardera le contrôle des deux entités via sa holding Next. Il détiendra notamment au moins 51% des droits de vote d'Altice USA. L'opération, qui nécessite encore le feu vert des autorités de la concurrence, pourrait, selon Altice, être finalisée d'ici la fin du premier semestre.

Dividende de 1,5 milliard

Avant cette réorganisation, Patrick Drahi va également puiser dans les caisses d'Altice USA, qui versera un dividende exceptionnel de 1,5 milliard de dollars. Une manne qui profitera directement à Altice NV, qui récupérera 900 millions de dollars, et en consacrera 625 millions pour réduire la dette du futur Altice Europe. En outre, le conseil d'administration d'Altice USA a décidé de lancer un programme de rachat d'actions à hauteur de deux milliards de dollars, qui verra le jour après la scission. Ces annonces ont d'emblée donné un coup de fouet aux cours de Bourse d'Altice NV (+8,25% à 10,22 euros à 16h10 à Amsterdam) et d'Altice USA (+13,89% à 24,02 dollars à 10h10 à New York).