Apple, Microsoft, Google, Tesla et Dell accusés d'exploitation d'enfants dans des mines de cobalt

Par Anaïs Cherif  |   |  657  mots
La plainte a été déposée dimanche par l'IRA devant un tribunal de Washington. L'organisation représente 14 victimes anonymes, des membres de familles d'enfants tués dans l'effondrement de tunnels ou de murs, ou des enfants mutilés dans les mêmes circonstances. (Crédits : Dado Ruvic)
Pour la première fois, cinq entreprises tech américaines sont visées par une plainte émanant d'une organisation de défense des droits de l'homme. L'action collective dénonce les conditions de travail imposées à des enfants dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo.

Une première. Apple, Microsoft, Alphabet (maison-mère de Google), mais aussi Dell et Tesla sont visés par une plainte les accusant de profiter du travail d'enfants dans des mines de cobalt en République démocratique du Congo (RDC). Une action collective a été lancée à leur encontre aux Etats-Unis par International Rights Advocates (IRA), organisation de défense des droits de l'Homme.

La plainte a été déposée dimanche par l'IRA devant un tribunal de Washington. L'organisation représente 14 victimes anonymes, des membres de familles d'enfants tués dans l'effondrement de tunnels ou de murs, ou des enfants mutilés dans les mêmes circonstances.

Le cobalt est un métal rare, très utilisé pour la fabrication des batteries de téléphones portables, des véhicules électriques et autres. Avec la prolifération des produits tech, la demande pour le minerai n'a jamais été aussi forte. Le demande mondiale devrait atteindre environ 120.000 tonnes par an l'année prochaine, soit une hausse de 30% par rapport à 2016, selon des chiffres du cabinet d'études Darton Commodities, relayés par Fortune. Elle pourrait atteindre environ 357.000 tonnes d'ici 2030.

"Conditions de travail de l'Âge de pierre"

Les conditions d'extraction et de commercialisation du cobalt en RDC, premier producteur mondial, sont vivement contestées. Selon la plainte, les enfants gagneraient entre "deux à trois dollars par jour pour effectuer un travail extrêmement dangereux, pouvant les tuer ou les mutiler", peut-on lire dans la plainte déposée.

La plainte relaye plusieurs témoignages, tous anonymisés. Elle retrace notamment l'histoire de "John Doe 1", contraint de quitter l'école à neuf ans car ses parents n'avaient plus les moyens de s'acquitter de six dollars mensuels pour payer son inscription scolaire. Commence alors sa vie de minier, où il porte sur son dos des sacs d'environ 30 kilos, à transporter sur 700 mètres, le long d'une montagne. En 2016, alors âgé de 15 ans, il chute d'environ 6 mètres de haut et devient paralysé.

"Il s'agit du contraste entre certaines sociétés parmi les plus riches au monde et les gadgets qu'elles fabriquent, et les enfants qui travaillent encore comme à l'Âge de pierre", a déclaré auprès de Fortune Terrence Collingsworth, représentant de l'IRA. "Ces entreprises ont les ressources et le pouvoir de résoudre ce problème."

Apple et Dell réagissent

L'organisation reconnait que toutes les entreprises qu'elle accuse "ont tous des politiques spécifiques prétendant interdire le travail des enfants dans leurs chaînes d'approvisionnement." Et de poursuivre : "Leur incapacité à mettre en œuvre ces politiques pour mettre un terme au travail forcé des enfants dans l'extraction du cobalt est un acte intentionnel pour éviter de mettre fin à la manne d'obtenir du cobalt bon marché."

Dell et Apple se sont exprimés dans les médias américains au sujet de la plainte, contrairement aux autres entreprises, qui ne se sont livrées à aucun commentaire pour l'instant. "Nous n'avons jamais sciemment sourcé d'opérations utilisant une forme quelconque de travail involontaire, de pratiques de recrutement frauduleuses ou de travail des enfants", s'est défendu Dell dans plusieurs médias américains. "Nous travaillons avec les fournisseurs pour gérer leurs programmes d'approvisionnement de manière responsable. Tout fournisseur signalant une faute est soumis à une enquête et, en cas de faute, retiré de notre chaîne d'approvisionnement."

De son côté, Apple dit référencer l'intégralité de sa chaîne d'approvisionnement de cobalt depuis 2014. Elle publie une liste complète de tous les exploitants depuis 2016, et "100% d'entre eux participent à des audits indépendants réalisés par des tiers", affirme auprès de Futurism un porte-parole. "Si un raffineur n'est pas en mesure ou ne veut pas respecter nos normes, il sera retiré de notre chaîne d'approvisionnement. Nous avons ainsi retiré 6 raffineurs de cobalt en 2019." Dans un rapport consacré sur le sujet en 2017, Amnesty International avait salué les actions prises par le fabricant d'iPhone.