Après l'échec de la liste rouge Bloctel, le démarchage téléphonique va être limité

Par Anaïs Cherif  |   |  755  mots
Quelque 3,7 millions de consommateurs et 700 entreprises sont inscrites au dispositif Bloctel, la liste rouge gratuite pour ne pas être dérangé par le démarchage téléphonique, selon l'AFP. (Crédits : Reuters)
Le Sénat a adopté en première lecture, jeudi 13 février, une proposition de loi pour restreindre le démarchage téléphonique et lutter contre les appels frauduleux. Les parlementaires souhaitent également préserver l'écosystème, qui représenterait environ 56.000 emplois directs en France.

Le démarchage téléphonique va encore être restreint. Le Sénat a adopté jeudi 13 février en première lecture une proposition de loi, après son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale en décembre dernier. Le texte, déposé par le groupe parlementaire UDI-Agir, vise à limiter davantage le démarchage téléphonique et lutter contre les appels frauduleux.

L'idée émane du constat suivant : la création du service Bloctel, en 2016, s'est révélée inefficace. Cette liste rouge gratuite permet aux particuliers, comme aux entreprises, de s'inscrire volontairement pour ne plus être dérangé par des coups de fils incitant à la vente. Selon l'AFP, quelque 3,7 millions de consommateurs et 700 entreprises sont inscrits. Des exceptions sont prévues, notamment pour la presse ou les instituts de sondages... Mais aussi pour les professionnels ayant des "relations contractuelles préexistantes" avec un consommateur. Concrètement, si un particulier a résilié un abonnement de forfait téléphonique chez Orange pour aller chez Free, Orange pourra tout de même le contacter, même si le consommateur s'est placé sur liste rouge. Un principe maintenu dans cette nouvelle proposition de loi.

"Près de 1,4 million de réclamations auraient été déposées par 280.000 consommateurs depuis la création de Bloctel", selon le rapport de André Reichardt (LR). "Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation : le non-respect par de nombreuses entreprises de leur obligation réglementaire de mise en conformité de leurs fichiers de démarchage téléphonique avec la liste d'opposition Bloctel, la faiblesse du montant des sanctions encourues, et la rareté des contrôles opérés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes."

Mieux faire connaître la liste rouge Bloctel

Actuellement, le droit en vigueur est fondé sur le principe de "l'opt out", c'est-à-dire que le consentement préalable du consommateur n'est pas exigé pour faire l'objet de prospection commerciale. Ce principe est maintenu dans ce nouveau texte car le Sénat a rejeté des amendements tendant à poser le principe d'un "consentement actif" du consommateur pour le démarchage téléphonique. Pour le socialiste Jean-Pierre Sueur, vice-président de la Commission des Lois du Sénat, ce système permettrait pourtant de "répondre au fléau que représente le démarchage téléphonique non sollicité, et à l'inefficacité du dispositif Bloctel", rapporte l'AFP.

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Le texte tente toutefois de mieux faire connaître le service Bloctel. Tout d'abord, la proposition de loi prévoit que l'appelant doit rappeler au consommateur l'existence du service Bloctel. De plus, deux amendements PS ont été adoptés pour d'une part, noter dans les contrats de téléphonie la possibilité de s'inscrire gratuitement à la liste rouge et d'autre part, changer les modalités d'inscription pour le faire par téléphone. Cela est pour l'instant uniquement possible par internet ou courrier. Enfin, une disposition vise aussi à "renforcer les obligations de transparence des professionnels, en incitant à la mise en place d'un code de déontologie".

Des sanctions renforcées

En séance publique, le Sénat a adopté des amendements LR et RDSE (Rassemblement démocratique et social européen), prévoyant un encadrement des horaires de démarchage téléphonique. Les sanctions à l'égard des entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations doivent aussi être renforcées, et la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés améliorée. Actuellement, un manquement est passible d'une sanction administrative ne pouvant excéder 15.000 euros pour une personne physique et 75.000 euros pour une personne morale.

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Les parlementaires, qui s'accordent pour ne pas drastiquement réduire la démarche téléphonique, souhaitent préserver l'écosystème. "Le secteur économique du démarchage téléphonique représente un facteur de développement des entreprises et un nombre non négligeable d'emplois en France", affirme le rapporteur André Reichardt. Et de poursuivre :

"Le syndicat professionnel des centres de contacts (SP2C), qui regroupe les principaux acteurs du marché, estime que 56.000 emplois directs seraient concernés par l'activité de démarchage téléphonique, ce chiffre étant jugé crédible par les services du ministère de l'économie. Toute évolution du régime juridique applicable doit prendre en compte cette donnée économique."