Effet « gilets jaunes » oblige, les politiques français lâchent le CES de Las Vegas

Par Sylvain Rolland  |   |  612  mots
Emmanuel Macron, alors en pleine campagne présidentielle, avait fait en personne le déplacement en 2017 au CES de Las Vegas, pour bénéficier de l'image alors positive de la "startup nation". (Crédits : REUTERS/Steve Marcus)
Malgré la présence d'un nombre record d'entreprises françaises (près de 420) au CES de Las Vegas, qui se tient du 8 au 11 janvier, aucun ministre ni président de Région, pas même le secrétaire d'Etat au Numérique Mounir Mahjoubi, ne fera le déplacement. Un contraste saisissant avec les éditions précédentes, qui s'explique par la disgrâce dans l'opinion de la "startup nation" dans le contexte social tendu des "Gilets jaunes".

Le CES de Las Vegas devient-il infréquentable ? Le mouvement des « Gilets jaunes », qui a fragilisé le pouvoir cet automne, a une conséquence inattendue : le plus grand salon technologique au monde, qui attirait pourtant depuis quelques années la crème de la crème des politiques, tombe totalement en disgrâce. Dans un contexte social très tendu où les fins de mois difficiles reviennent au cœur des débats, la « startup nation » n'a plus le vent en poupe auprès des élus et du gouvernement.

« Personne ne veut s'afficher aux côtés de la France privilégiée qui crée des gadgets high-tech, dans la capitale mondiale du bling-bling. Ce serait complètement déconnecté », confie, sous couvert d'anonymat, un membre d'un cabinet ministériel à Bercy.

Un constat valable aussi pour l'opposition et les présidents de régions, mais surtout pour la Macronie, traumatisée à l'idée que « l'affaire Pénicaud » (une coûteuse soirée en marge du CES en 2016 autour d'Emmanuel Macron, organisée par Business France sans appel d'offre) revienne encore hanter le président...

Plus personne pour représenter la French Tech

Le contraste avec les années précédentes, où le gratin politique se bousculait dans les allées bondées du CES, est saisissant. Cette année, malgré un nombre record de startups françaises présentes (au moins 414 au dernier décompte, soit déjà davantage que les 412 de l'an dernier), il sera difficile d'y trouver un élu de premier plan.

Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, avait laissé entendre à l'automne dernier qu'il s'y rendrait, avant de se rétracter mi-décembre. Agnès Pannier-Runacher, la nouvelle secrétaire d'État chargée de l'industrie, avait confirmé sa présence à la soirée francophone en marge du salon, qui se tient le mardi 8 janvier... avant de l'annuler aussi fin décembre, officiellement pour des raisons d'« agenda ».

Du côté des régions, même disette : Valérie Pécresse (Île-de-France), Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine) ou encore Renaud Muselier (Sud Provence-Alpes-Côte-d'Azur), présents l'an dernier, ainsi que Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhônes-Alpes) passeront leur tour. Parfois, même le vice-président ne se déplacera pas. Ainsi, la délégation Sud-Provence-Alpes-Côte-d'Azur, qui envoie pourtant le plus gros contingent régional avec 55 startups, sera représentée par... le conseiller régional chargé de l'économie, Bernard Kleynhoff, connu au niveau régional mais pas nationalement. Kat Borlongan, la nouvelle directrice de la Mission French Tech, ne devrait pas venir elle non plus - mais pour des raisons personnelles.

Autrement dit : pour la première fois depuis que la France a fait du développement des startups une priorité politique, aucune personnalité politique majeure ne viendra appuyer la French Tech aux yeux des médias et des investisseurs internationaux à Las Vegas.

Même Mounir Mahjoubi se dégonfle... mais il pourrait être "virtuellement" présent

Même le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi, pourtant l'ambassadeur naturel des startups et lui aussi confirmé à la soirée francophone, a finalement annulé son déplacement.

« Il faut faire attention à la dépense publique. L'écosystème sera encore présent en force, le gouvernement n'est pas obligé d'y aller tous les ans », pédale son cabinet.

Doux euphémisme pour dire que le CES est devenu cette année aussi pestiféré que Davos, le « salon des riches ». Toutefois, Mounir Mahjoubi n'abandonne pas les startups françaises : il devrait tout de même faire « une apparition » au CES, « de manière virtuelle » sous la forme d'un avatar, grâce à la technologie d'une startup exposante.