En Belgique, Orange lorgne le réseau de son rival Voo

Par Pierre Manière  |   |  732  mots
Pour l’opérateur historique, l’acquisition de Voo, qui est un des principaux câblo-opérateurs du pays, pourrait lui permettre de faire enfin son nid dans l’Internet fixe, où il ne possède qu'environ 3% du marché. (Crédits : Charles Platiau)
L’opérateur historique français, qui n’est que très peu présent dans l’Internet fixe dans le royaume, a fait plusieurs marques d’intérêt pour le câblo-opérateur Voo, lequel couvre la Wallonie.

En Belgique, Orange a sonné le branle-bas de combat. Dans le royaume, l'opérateur historique français a lancé une campagne qui pourrait possiblement déboucher sur l'acquisition du câblo-opérateur Voo, qui couvre la Wallonie et une partie de Bruxelles. Le 29 mars, le site du journal belge Lecho.be a dévoilé qu'Orange avait pris contact, via une lettre, avec son concurrent dans l'Internet fixe pour lui faire part de son « intérêt pour un rapprochement (de leurs) activités télécoms et médias ». Trois jours plus tard, le groupe français a confirmé, dans un communiqué, « son intérêt pour un partenariat industriel avec Nethys et Brutélé », qui opèrent tous deux des réseaux de municipalités sous la marque Voo.

Pour l'opérateur historique, l'acquisition de Voo, qui est un des principaux câblo-opérateurs du pays, pourrait lui permettre de faire enfin son nid dans l'Internet fixe. Un segment encore mineur pour Orange - au contraire du mobile, où, avec environ 3 millions d'abonnés, il possède près du tiers de ce marché de 3,6 milliards d'euros. Dans l'Internet fixe, Orange ne dispose en effet qu'un peu plus de 120.000 abonnés, soit aux alentours de 3% du marché. Rien d'anormal toutefois : l'opérateur français ne s'est lancé sur ce créneau que début 2016, en passant par les infrastructures de câble de ses rivaux Telenet (présent en Flandre), et Voo, justement. Si Orange devait mettre la main sur ce dernier, il disposerait ainsi de son propre réseau, au moins en Wallonie.

Orange déplore le duopole dans l'Internet fixe

Cela constituerait un avantage certain. Car aujourd'hui, pour servir ses clients, Orange est contraint de s'approvisionner auprès de ses rivaux. Or le prix de gros d'accès aux réseaux câblés, très élevé, ne cesse de s'envoler. Alors qu'il s'élevait déjà à 23 euros en juin dernier, celui-ci se situe aujourd'hui aux alentours de 26 ou 27 euros, indique Stéphane Beyazian, analyste chez Raymond James. Des niveaux de prix jugés prohibitifs par Orange, qui râle régulièrement auprès de l'Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT), le régulateur belge des télécoms, pour qu'il prenne des mesure pour alléger cette facture.

Dans une interview à La Libre Belgique, en juin dernier, Pierre Louette, l'ex-numéro de l'opérateur français, a ainsi tapé du poing sur la table :

« On demande [...] que l'IBPT garantisse un accès juste aux réseaux fixes et une dynamique de marché sur ces réseaux, a-t-il indiqué. Ce n'est malheureusement pas encore assez le cas aujourd'hui. On reste largement dans une situation de duopole. »

Lequel est constitué d'une part par Proximus (spécialisé dans le VDSL sur tout le territoire) et d'autre part par le tandem Telenet/Voo.

Des changements politiques opportuns

On comprend, dans ce contexte, qu'Orange se mobilise pour fondre sur Voo et disposer, si possible, de ses propres infrastructures dans l'Internet fixe. L'intérêt de l'opérateur français pour un « partenariat industriel » avec son rival apparaît à un moment opportun, comme l'explique Stéphane Beyazian dans une note :

« Ceci fait suite à la décision des propriétaires de Nethys de procéder à un examen des actifs. Les changements politiques récents peuvent aussi faciliter la décision de vendre certains de ses actifs : le gouvernement wallon n'est plus dirigé par le Parti socialiste - qui s'est montré réticent aux privatisations - pour la première fois en 30 ans depuis juillet 2017 et jusqu'en 2019. »

Reste que si Orange est pressenti pour racheter Voo si le réseau était mis en vente, il serait probablement en concurrence avec son rival Telenet, qui pourrait logiquement être intéressé pour disposer d'une vraie couverture nationale.

On pourrait donc assister, d'ici peu, à un bras de fer entre les deux groupes en Belgique. Pour Orange, l'enjeu est important : à l'instar de la France, de l'Espagne ou encore de la Roumanie, l'opérateur français cherche à être « convergent » (en proposant des offres mêlant Internet fixe, téléphonie mobile et télévision) dans tous les marchés où il est présent. Sous ce prisme, l'acquisition de Voo pourrait lui permettre d'accélérer grandement dans le royaume.

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