Gronde chez Google : les salariés s'inquiètent d'un retour en Chine

Par Anaïs Cherif  |   |  665  mots
Le géant américain Google avait retiré son moteur de recherche de Chine en 2010. (Crédits : Dado Ruvic)
La firme de Mountain View travaille sur une version censurée de son moteur de recherche afin de conquérir un marché potentiel de 772 millions d'internautes. Au sein de Google, qui avait retiré son activité principale de Chine en 2010, une colère grandissante s'installe. Certains employés vont même jusqu'à dénonce une "trahison".

Le potentiel retour de Google en Chine inquiète ses employés. Le géant américain travaillerait en interne sur une version censurée de son moteur de recherche afin de se plier aux exigences de contrôle du Parti communiste, a dévoilé la semaine dernière le magazine The Intercept. Baptisé "Dragonfly" (en français, libellule), le projet serait dans les tuyaux depuis le printemps 2017. Il aurait connu un coup d'accélération en décembre, suite à une rencontre entre le Pdg de Google, Sundar Pichai, et des représentants du gouvernement chinois.

La presse américaine a dévoilé ce week-end plusieurs témoignages d'employés, traduisant un mouvement d'inquiétude au sein de la firme de Mountain View. Selon le New York Times, plusieurs employés ont refusé de travailler sur ce projet de moteur de recherche censuré - préférant changer de service voire même, quitter l'entreprise. Pour d'autres salariés, ce projet viole la position adoptée par Google il y a huit ans. L'entreprise américaine, alors dirigée par Eric Schmidt, avait retiré son moteur de recherche en 2010, invoquant une trop forte censure et des cyberattaques à répétition.

"Les gens font confiance à Google pour partager de vraies informations, mais l'application dédiée au marché chinois est une trahison", témoigne un employé sous couvert d'anonymat auprès de Bloomberg.

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"Silence radio"

Google tente depuis vendredi de contenir cette fronde grandissante. Toujours selon The Intercept, le groupe a fermé les accès de la plupart des employés aux documents relatifs au projet "Dragonfly" après les fuites dans la presse. "Il y a eu un silence radio total de la hiérarchie, ce qui rend beaucoup de gens mécontents et effrayés", raconte à l'AFP un salarié anonyme, affirmant que leurs forums de discussion internes parlent abondamment du sujet et que les gens sont "furieux".

Cette version censurée serait destinée au système d'exploitation Android. Ce moteur filtrerait les sites internet et les mots clés interdits par le gouvernement chinois. Le pays est réputé pour sa politique de censure de l'Internet, connue sous le nom de "Great Firewall of China" (en français, Grande Muraille électronique de Chine). Comme tous les grands groupes technologiques, Google doit concéder des faveurs au pouvoir communiste ou renoncer à ce marché gigantesque de 772 millions d'internautes - le plus grand marché au monde.

Vers des accords sur le cloud ?

A la tête de Google depuis 2015, Sundar Pichai a toujours affiché son ambition de pénétrer le marché chinois. D'ailleurs, si le moteur de recherche était bloqué, le géant américain n'est pas totalement absent dans la deuxième économie mondiale. Google dispose de trois bureaux avec plus de 700 employés. Certains de ses services, comme Google Traduction ou FilesGo (transfert de documents), sont également disponibles. En pleine opération séduction, Google a annoncé en décembre l'ouverture d'un centre de recherche sur l'intelligence artificielle à Pékin.

Et ce n'est qu'un début. Google serait est en discussions avec le mastodonte Tencent et d'autres groupes chinois pour pouvoir proposer ses services de "cloud" dans ce pays, a dévoilé Bloomberg vendredi. De tels accords lui permettrait de proposer ses services en les faisant tourner sur des data centers et serveurs d'entreprises chinoises, afin de se conformer aux exigences de la Chine. En effet, une nouvelle loi sur la cybersécurité est entrée en vigueur dans le pays le 1er juin 2017. Objectif affiché : lutter contre les hackers et le terrorisme. Cette loi impose aux entreprises étrangères de stocker les informations personnelles de leurs clients et les données sur leurs affaires sur le sol chinois. N'ayant pas (encore) de data centers en Chine, Google doit donc nouer des partenariats s'il souhaite proposer ses services.

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