Huawei victime du protectionnisme américain ?

Par Pierre Manière  |   |  668  mots
Lors d’une conférence de presse ce jeudi, Gao Feng, le ministre chinois du commerce a fusillé « le protectionnisme qui s’accroît aux Etats-Unis ». (Crédits : ERIC GAILLARD)
Alors que l'équipementier télécoms chinois, également numéro trois mondial des smartphones, misait sur un partenariat avec le géant du mobile AT&T pour distribuer son dernier bébé, le Mate 10 Pro, l’opérateur américain s’est finalement retiré des discussions. Furieux de ce nouveau revers d’un groupe chinois aux États-Unis, Pékin a accusé Washington d’édifier « des barrières invisibles sous le prétexte de préserver la sécurité nationale ».

Huawei n'est décidément pas en odeur de sainteté aux États-Unis. Comme l'a indiqué le Wall Street Journal en début de semaine, le géant chinois des équipements télécoms et numéro trois mondial des smartphones a échoué à nouer un partenariat avec AT&T, le numéro deux américain du mobile, pour distribuer son dernier « flagship » : le Mate 10 Pro. Selon le quotidien économique américain, l'opérateur s'est tout bonnement retiré des discussions. Conséquence : Huawei perd une occasion en or de faire enfin son nid sur le juteux marché du pays de l'Oncle Sam. Un sacré camouflet. D'autant que Huawei comptait annoncer cet important partenariat lors du Consumer Eletronics Show, le plus grand salon mondial de l'électronique grand public, qui se déroule en ce moment à Las Vegas.

Résultat : Huawei a quand même confirmé le lancement de son nouveau smartphone phare aux États-Unis mi-février dans un communiqué publié ce jeudi, en début d'après-midi. Mais faute de pouvoir compter sur AT&T, il devra se débrouiller avec des revendeurs moins puissants, « comme Best Buy, Amazon, Microsoft, Newegg et B&H », a indiqué le géant chinois.

« Une menace pour la sécurité des États-Unis »

Reste que ce n'est pas la première fois que Huawei voit ses projets de conquête capoter aux États-Unis. Ces dernières années, les autorités américaines lui glissé de nombreuses peaux de banane. Si l'on ignore encore les raisons qui ont poussé AT&T à mettre un terme aux négociations, le partenariat ne plaisait guère à plusieurs élus du Congrès. Le 20 décembre, certains d'entre eux ont adressé une lettre à Ajit Pai, le président de la Commission fédérale des communications américaines (FCC). Dans cette missive, ils jugeaient que le groupe chinois constituait « une menace pour la sécurité des États-Unis ».

Plus précisément, les élus ont notamment rappelé que les commissions de renseignement du Congrès étaient « depuis longtemps préoccupées par l'espionnage venant de Chine, et particulièrement par le rôle de Huawei ». Selon eux, la proximité de l'industriel avec le Parti communiste et avec les services de renseignement chinois constitue une menace sérieuse. On peut, dès lors, imaginer que le gouvernement américain a pu se mobiliser pour mettre à bas les négociations avec AT&T.

Pékin hausse le ton

Cet échec a provoqué, ce jeudi, l'ire de Pékin. Lors d'une conférence de presse, Gao Feng, le ministre chinois du commerce, a estimé que ce partenariat n'était qu'« une pure coopération commerciale ». Avant de tirer à boulets rouges contre « le protectionnisme qui s'accroît aux États-Unis ». Car outre l'échec d'un accord entre Huawei et AT&T, le chinois Ant Financial s'est récemment vu refusé le rachat du spécialiste texan de transfert d'argent MoneyGram, en raison, notamment, d'inquiétudes sur la sécurité des données personnelles... Agacé de ces revers, Gao Feng a tapé du poing sur la table : « Nous nous alarmons de la tendance [des États-Unis, NDLR] à édifier des 'barrières invisibles' sous le prétexte de [préserver la] 'sécurité nationale' », a-t-il canardé.

Pour Huawei, cet échec s'ajoute à une impressionnante liste d'insuccès aux États-Unis. En 2008, le gouvernement américain a décidé de bloquer la vente de la société américaine 3Com au géant chinois pour des motifs de sécurité nationale. Pour les mêmes raisons, les autorités américaines ont découragé l'opérateur Sprint, en 2011, d'utiliser des composants fabriqués par Huawei pour la construction de son réseau 4G. Cette même année, l'équipementier chinois a renoncé à racheter le spécialiste américain des logiciels 3Leaf après un avis négatif du Congrès. Enfin, en 2012, Washington a chassé Huawei du projet de câble sous-marin transatlantique Hibernia Express, en évoquant des risques d'espionnage. Un vrai chemin de croix.