Comment Bull a vendu son supercalculateur au Brésil

Par Michel Cabirol  |   |  949  mots
Bull et FACC vont signer un contrat pour l'installation d'un supercalculateur pétaflopique au Brésil.
Bull et l'organisme public brésilien FACC vont signer lundi un contrat pour l'installation d'un supercalculateur pétaflopique au Brésil. L'objectif du Brésil est de rejoindre le clan des dix premiers pays utilisateurs de supercalculateurs grâce aux technologies de Bull.

C'est la toute dernière ligne droite pour un contrat en discussion depuis près de cinq ans. En présence de la secrétaire d'Etat chargée de la Recherche, Geneviève Fioraso, Bull et l'organisme public FACC, rattaché au ministère de la Recherche brésilien, vont signer lundi un contrat pour l'installation d'un supercalculateur pétaflopique au Brésil dans le cadre d'un projet de coopération bilatérale sur le calcul haute performance. Ce supercalculateur permettra au Brésil de se doter d'une capacité de calcul indispensable notamment pour l'exploration des gisements de pétrole. Une première tranche dans la coopération dans le domaine des supercalculateurs entre le Brésil et la France. Car à terme, Bull devrait les fabriquer au Brésil à travers des transferts de technologies.

C'est en décembre 2012 qu'une étape majeure avait été franchie lors de la visite officielle de la présidente du Brésil en France en décembre 2012. A cette occasion, une déclaration commune entre Dilma Rousseff et François Hollande mettait définitivement en selle le projet de Bull. Les deux chefs de l'État indiquaient que la France et le Brésil souhaitaient se rapprocher dans le domaine des supercalculateurs pour permettre à Brasilia de mettre en place une infrastructure de calculs intensifs à usage universitaire.

Bull travaille dans la discrétion

Les deux pays demandent alors à Bull de travailler en coopération avec le gouvernement brésilien en vue de faire des propositions à horizon 2013. Le groupe tricolore s'exécute dans la discrétion. En décembre 2013, lors de la visite de François Hollande au Brésil, les deux pays signent un protocole d'accord de gouvernement à gouvernement sur la base des travaux réalisés par Bull. "Il n'y a pas plus beau symbole que le super calculateur Bull qui va permettre au Brésil de rentrer dans le club des dix pays qui disposent de cette capacité", avait alors jugé François Hollande, qui citera Bull dans les quatre discours qu'il fera au Brésil. Quant à Dilma Rousseff, elle évoquera le groupe tricolore et son projet dans ses trois discours.

Car l'objectif du Brésil est bien de rejoindre dans un premier temps le clan des dix premiers pays utilisateurs de supercalculateurs grâce aux technologies de Bull. "C'est un projet assez important de passerelle entre deux pays", assure-t-on à la Tribune. Des protocoles d'échanges ont été signé par les ministères de la Recherche. Pour autant, à cette époque, le groupe informatique reste encore très discret sur ce projet et ne fanfaronne pas sur tous les toits ce succès majeur au Brésil. Bull veut alors à tout prix "éviter l'exemple du Rafale", une commande maintes fois annoncée et finalement perdue face à l'avion de combat suédois, le Gripen NG de Saab. "On a préféré rester beaucoup plus soft sur le sujet et attendre la finalisation d'un contrat", confie-t-on au sein du groupe.

Supercalculateurs : la France dans le peloton de tête

Pourquoi la France ? Outre l'Hexagone, il n'y a que trois autres pays au monde qui sachent fabriquer des supercalculateurs (États-Unis, Chine et Japon). Et une telle opération ne peut que se faire qu'en confiance pour des questions de sécurité, l'affaire Snowden étant alors dans tous les esprits. "Quand vous regroupez capacité et sécurité, la France apparaissait comme le bon cheval", explique une source proche du dossier.

Aujourd'hui, Bull voit au-delà du Brésil. Le groupe souhaite dupliquer ce modèle de coopération "extrêmement intéressant", explique-t-on en interne. "Vendre une machine pour une machine, c'est intéressant pour nous mais à l'échelle d'un pays comme le Brésil c'est moins intéressant que d'arriver avec tout un projet de coopérations, qui combinent la vente de machines, d'applications et la venue de chercheurs et d'utilisateurs qui peuvent communiquer entre eux". Du coup, Bull veut investir sur ce marché de  niches, qui génère de très grosses affaires mais qui reste assez rares. "Il y a une dizaine de pays qui sont susceptibles de faire la même chose que le Brésil avec la France", fait-on valoir à La Tribune.

Quelle stratégie de Bull dans les supercalculateurs

Début 2014, le PDG de Bull, Philippe Vannier, avait expliqué à La Tribune que les supercalculateurs font partie de "l'un des trois piliers nécessaires pour disposer d'une offre d'information et services fiable et crédible. Sur ces trois piliers, beaucoup de nos concurrents ont une expertise, certains peuvent en avoir deux mais des entreprises qui maîtrisent les trois expertises absolument nécessaires pour occuper le marché du Cloud, je n'en connais pas beaucoup". D'autant que Bull est "exceptionnellement bien placé" et "cette activité est rentable", avait-il expliqué. Ce sera toujours le cas dans la nouvelle entité formée par Atos et Bull.

C'est pour cela que "Bull consacre beaucoup d'énergie dans la R&D", avait précisé Philippe Vannier. Et de préciser que "non seulement les ventes de supercalculateurs sont rentables, mais elles génèrent également un chiffre d'affaires sur des activités annexes, comme la maintenance des grosses infrastructures". 2013 a été une bonne année pour Bull dans le domaine des supercalculateurs avec de nombreuses machines vendues dans plusieurs pays, en Europe et hors d'Europe.

Bull s'est en outre spécialisé dans les machines industrielles où le rendement est essentiel. "Nous avons aussi un véritable savoir-faire sur l'aspect énergétique", avait-il fait remarquer. Le coût de possession d'un supercalculateur est lié à sa consommation électrique, qui est une partie très importante du coût de possession. Elle représente environ un tiers de la facture totale.