Le site Airbnb attaqué de toutes parts

Par Mathias Thépot  |   |  930  mots
Même dans sa ville de naissance, la start-up fait l'objet de multiples remontrances.
Le site de locations saisonnières Airbnb provoque l’ire de plusieurs villes dans le monde. On reproche à la start-up américaine d’alimenter la pénurie d’offre locative de longue durée. Paris prévoit notamment d’instaurer une taxe.

Il arrive que des propriétaires immobiliers préfèrent louer leur bien à des touristes pour une courte durée plutôt qu'à des résidents actifs pour une longue durée. A Paris, cette pratique financièrement plus avantageuse pour les propriétaires s'exerce principalement par le biais du site de location Airbnb, qui recense à lui-seul plusieurs milliers de chambres dans la Capitale. Ce type de pratique semble pourtant inapproprié au regard de la crise du logement qui sévit à Paris. La demande de logements y est largement supérieure à l'offre, ce qui impose de mobiliser le maximum de locaux d'habitations pour de longues durées.

La Ville de Paris compte taxer Airbnb

A la recherche de plusieurs millions d'euros pour boucler son budget, Paris a ainsi émis l'idée d'une taxe de séjour pour les utilisateurs du site, comme pour les hôtels. Histoire aussi de freiner le développement du site dans la Capitale. "Nous avançons avec le gouvernement sur la façon de collecter cette taxe, expliquait récemment dans la presse l'adjoint au Tourisme de la Ville de Paris Jean-François Martins. Plutôt qu'un montant forfaitaire de 1 ou 2 euros par appartement, nous sommes favorables à une taxe proportionnelle au prix de la nuitée", a-t-il ajouté.

Du côté des services de la politique du logement de Paris, on souhaite davantage chasser les abus. Ils préfèrent ainsi traquer les propriétaires de plusieurs biens qui préfèrent louer sur courte durée à des vacanciers, plutôt que sur longue durée à un locataire dans le besoin.
La mairie de Paris vise moins les locataires qui souffrent du coût trop élevé de leur logement et sous-louent une pièce ou plus de leur appartement le week-end pour arrondir leurs fins de mois.

Cependant, ce n'est pas parce que la mairie de Paris ferme en partie les yeux sur les sous-locations illégales, que ces agissements ne peuvent être condamnés. Ainsi en mai dernier, un locataire, assigné en justice par son bailleur, une société civile de placement immobilier (SCPI), a été condamné à payer 2.000 euros à cette dernière pour avoir sous-louer ponctuellement sans remplir les obligations nécessaires une chambre de son logement sur Airbnb. Preuve que le modèle de la start-up américaine peut piéger des locataires ou des propriétaires dans le besoin qui basculent dans l'illégalité.

Tentative de modifier les lois

Ainsi plusieurs villes dans le monde sont en conflit ouvert avec Airbnb, qui tente en riposte de  faire modifier les lois locales pour pouvoir prospérer sur ces territoires.
A Amsterdam, Airbnb a par exemple obtenu une loi qui permet de louer sa maison à quatre personnes à la fois jusqu'à deux mois à condition de payer des impôts et des taxes de séjour.
Il arrive aussi que les lois soient défavorables à la start-up américaine. C'est le cas à Madrid où la location touristique pour une durée inférieure à cinq jours est désormais interdite, ce qui réduit le périmètre d'action de la start-up.

C'est du reste chez lui, aux États-Unis, qu'Airbnb est le plus attaqué. Dans le temple mondial du libéralisme, plusieurs villes s'insurgent contre le phénomène.
A New York, la start-up a été sommée de remettre à la justice la liste de tous les hôtes ayant loué leur appartement depuis 2010. 2.000 annonces ont ainsi été retirées du site à New York. Toutefois, selon les services de l'État, deux tiers des 20.000 annonces Airbnb concernant Big Apple restent illégales.
Les opposants sont mobilisés : "Loin d'être un service sans danger permettant aux habitants de New York de partager leurs maisons avec des invités, Airbnb permet aux locataires new-yorkais d'enfreindre la loi, de violer leurs baux locatifs. Il aggrave la crise du logement dans nos quartiers et pose de graves problèmes de sécurité publique pour les clients, les hôtes, et leurs voisins", peut-on par exemple lire sur le site sharebetter.org.

D'autres villes comme Austin ou Chicago imposent pour leur part des taxes pour les propriétaires utilisant Airbnb pour louer. Respectivement 285 dollars par an et 500 dollars pour deux ans.

Même à San Francisco, Airbnb dérange

Plus surprenant, à San Francisco, la ville de naissance de la start-up, une lutte acharnée menée par la municipalité pour encadrer les pratiques du site vient de s'achever. La ville fait en effet face à une forte augmentation des prix de l'immobilier, tirés par le boom de la high-tech. L'embourgeoisement y bat son plein et les inégalités se creusent. Pour limiter la flambée des prix, la municipalité compte s'assurer que le maximum de logements soient disponibles pour les habitants. Or un site comme Airbnb tend à court-circuiter cette politique. "Nous refusons "l'hôtellisation" de notre parc immobilier", s'est indigné le conseiller municipal Scott Wiener, cité par Le Monde. "Nous voulons que les gens aient des voisins", a-t-il ajouté.

Une loi a ainsi été votée. Elle stipule que les logeurs ne pourront pas louer plus de 90 jours par an ; devront souscrire une assurance couvrant pour au moins 500.000 dollars de dommages ; et auront l'obligation de s'acquitter d'une taxe hôtelière d'occupation de 14 %, et qui sera collectée par Airbnb.
Un moindre mal pour la start-up. Le Monde rapporte qu'elle a évité de justesse un amendement lui imposant de payer 25 millions de dollars d'arriérés de taxes avant d'être autorisé à opérer légalement à San Francisco. Heureusement pour Airbnb, cet amendement a été rejeté à une seule voix de majorité...