Internet des objets : pourquoi le marché peine à décoller

Par Pierre Manière  |   |  551  mots
Les craintes liées à la sécurité des objets connectés constituent un frein pour le marché.
Le marché de l’Internet des objets (IoT) peine encore à séduire les consommateurs et les entreprises. D’après le think tank Idate, plusieurs verrous d’ordre technique (sécurité, respect de la vie privée) plombent son essor auprès du grand public. Quand les entreprises, qui y voient surtout un moyen de réduire leurs coûts, ont des doutes sur le modèle économique de certaines applications.

Il y a deux ou trois ans, l'Internet des objets (ou IoT pour « Internet of Things ») était largement perçu comme un nouvel eldorado. Mais aujourd'hui, le marché peine à se développer auprès du grand public comme des entreprises. Lors d'une conférence de presse ce mercredi, le think tank Idate, spécialisé dans les télécoms, a listé les verrous qui, selon ses experts, freinent son essor. Selon Samuel Ropert, expert en Internet des objets de l'Idate, le potentiel du marché n'est pas à remettre en cause. Évoquant le chiffre de « 40 milliards d'objets connectés dans le monde à horizon 2030 », il estime que le segment est toujours source « d'opportunités ». Mais à l'en croire, il y a de nombreux « challenges » à relever.

Ceux-ci sont, d'après lui, notamment d'ordre technique. Pour les objets connectés grand public, il estime que les craintes liées à la sécurité et au respect de la vie privée constituent les principaux verrous. De fait, les thermostats, téléviseurs, trackers d'activité et autres compteurs d'électricité intelligents sont de plus en plus perçus comme une nouvelle porte d'entrée pour les hackers. La Commission européenne a d'ailleurs fait des objets connectés un de ses chantiers prioritaires en matière de cybersécurité. Mais si ce débat et la volonté d'adopter des standards visant à protéger les usagers est légitime, il constitue, inévitablement, un frein pour le marché. En outre, comme le relève Samuel Ropert, « plus les objets sont sécurisés, plus ils consomment d'énergie ». Ce qui constitue un handicap pour certains usages et applications.

« Des doutes sur la rentabilité économique »

Du côté des entreprises, l'expert de l'Idate constate qu'aujourd'hui, de nombreuses sociétés peine à voir la rentabilité d'éventuels investissements dans l'Internet des objets. « Il y a des doutes sur la rentabilité économique de certaines applications », affirme-t-il. Aujourd'hui, l'Internet des objets est principalement perçu comme un moyen de réduire les coûts. C'est la raison, par exemple, pour laquelle Carrefour s'est allié avec Bouygues Telecom. En greffant des capteurs bas débit dans des conteneurs roulants qui approvisionnent ses hyper, le géant de la distribution espère réaliser des économies en matière de logistique. Reste que le problème, selon l'Idate, c'est que beaucoup d'entreprises ont du mal à voir quand les nécessaires investissements de départ porteront leurs fruits.

D'autre part, affirme Samuel Ropert, les industriels ne seraient pas suffisamment sensibilisés aux bénéfices de l'Internet des objets. Selon lui, outre des économies de coûts, l'IoT doit surtout leur permettre de se réinventer et de déployer de nouveaux services. Mais cette facette-là demeure, jusqu'à présent, largement inexploitée.

Enfin, la prolifération des technologies disponibles effraye parfois les acteurs qui veulent se lancer sur le marché. Certains standards sont aujourd'hui déployés de manière verticale, avec des protocoles propriétaires dans des secteurs bien définis, comme dans l'automobile ou l'énergie. D'autres en revanche, s'adressent à tous les secteurs. A l'instar des technologies dédiées aux réseaux IoT bas débit, comme Sigfox, LoRa, ou Narrow band-IoT (NB-IoT), qui se livrent une guerre sans merci.

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