Les Européens tolérants et décomplexés à l’égard du téléchargement illégal

Par Delphine Cuny  |   |  700  mots
42% des citoyens de l’Union et 57% des 15-24 ans estiment acceptable de télécharger ou consulter illégalement des contenus protégés par des droits d’auteur pour un usage personnel, selon une enquête de l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

A l'heure où l'Hadopi, l'autorité française de lutte contre le piratage, vit ses dernières semaines, avant d'être absorbée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'an prochain, les comportements et la perception du téléchargement illégal ont-ils évolué ?

En France, comme ailleurs dans l'Union européenne, les citoyens se montrent plutôt tolérants sur le sujet, selon une enquête* menée par l'Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle pour l'Office européen officiel des marques, dessins et modèles (OHMI).

Ainsi, 42 % des Européens interrogés estiment qu'il est « acceptable de télécharger ou de consulter illégalement du contenu protégé par droits d'auteur lorsqu'il s'agit d'en faire un usage personnel. » Et le pourcentage grimpe à 57% chez les 15-24 ans (47,5% chez les jeunes Français)

Quatre jeunes Européens sur 10 jugent les offres illégales plus diversifiées  

Du côté des actes, seulement 9% des Européens interrogés déclarent avoir « intentionnellement consulté, téléchargé ou diffusé du contenu illégal sur Internet au cours des douze derniers mois » (10,6% en France), mais ils sont 26% chez les 15-24 ans, et même 33% en France, en particulier chez les jeunes hommes : 31% dans cette classe d'âge (37% chez les jeunes Français) contre 21% pour les jeunes femmes - peut-être plus technophiles. Il s'agit de déclaratif, potentiellement en dessous de la vérité.

Les seniors sont, sans surprise, les moins pirates : moins de 2% des 55 ans et plus, contre 5% des 45-54 ans, 9% des 35-44 ans et 17% des 25-34 ans. L'âge et le sexe ont donc une incidence bien plus importante que le lieu de résidence, les différences étant minimes entre les Etats membres. Le problème vient-il de l'offre légale ? En partie, d'après les réponses.

En effet, seuls 22% des sondés estiment acceptable de télécharger illégalement « lorsqu'il n'existe pas d'alternative légale » (42% chez les plus jeunes) mais 33% des 15-24 ans considèrent que les solutions illégales ont une meilleure offre que les plateformes légales (27% en moyenne tous âges confondus) et près de quatre sur dix d'entre eux jugent qu'elles ont une offre plus diversifiée (39%).

Condamnation théorique, justification des infractions

L'enquête montre pourtant que, en théorie, les Européens condamnent les violations de propriété intellectuelle, en particulier concernant la contrefaçon : 74% des sondés ne jugent pas acceptable d'acheter des produits contrefaits « lorsque le prix de l'original est trop élevé » ou « lorsqu'il s'agit de produits de luxe » (84%). Ils sont aussi quasi unanimes pour reconnaître le rôle que la propriété intellectuelle joue dans l'innovation ainsi que dans la création d'emplois et la croissance (69%).

Mais lorsque la question sort du champ théorique, les sondés sont prêts à justifier les infractions : plus d'un tiers soutiennent qu'acheter des articles contrefaits « permet de faire un achat intelligent en préservant son pouvoir d'achat » (34%) ou qu'il s'agit d'un « acte de protestation et une façon de résister à l'économie guidée par les marchés et les grandes marques haut de gamme » (38%), ce qui montre « le fossé existant entre les principes partagés et les réalités d'un façon de vivre individuelle plus pragmatique et davantage autocentrée » analyse l'étude.

Plus généralement, plus de 40% des Européens interrogés estiment que les principaux bénéficiaires de la propriété intellectuelle sont « les grandes entreprises et les artistes célèbres » et ne pensent pas qu'elles en tirent un bénéfice personnel. Prêchant pour sa paroisse, l'office européen des brevets conclue qu'il est nécessaire de « prendre de nouvelles mesures pour démontrer la valeur que la propriété intellectuelle amène aux citoyens européens dans leur vie de tous les jours, en particulier auprès des plus jeunes générations qui se distinguent clairement des autres groupes d'âge. »

* enquête réalisée par téléphone par TNS auprès de 26.500 personnes âgées de 15 ans et plus, entre décembre 2012 et août 2013 dans les 28 pays de l'UE.

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