Twitter quitte le code de bonnes pratiques de l'UE contre la désinformation, Bruxelles menace

Par latribune.fr  |   |  1055  mots
Le réseau social américain a décidé de quitter le code de bonnes pratiques de l'UE contre la désinformation en ligne, annonce le commissaire européen à l'Industrie, Thierry Breton, dans un message sur le réseau social dirigé par Elon Musk. (Crédits : DADO RUVIC)
Thierry Breton, commissaire européen à l'Industrie annonce que le réseau social détenu par Elon Musk a décidé de quitter le code de bonnes pratiques de l'Union européenne contre la désinformation en ligne. « Nos équipes seront prêtes à faire appliquer la loi », a-t-il averti.

Nouvelle passe d'armes à venir entre Twitter et l'Union européenne ? Le réseau social américain a décidé de quitter le code de bonnes pratiques de l'UE contre la désinformation en ligne, annonce le commissaire européen à l'Industrie, Thierry Breton, dans un message sur le réseau social dirigé par Elon Musk.

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 « Vous pouvez courir, mais vous ne pouvez pas vous cacher. Au-delà des engagements volontaires, la lutte contre la désinformation sera une obligation légale en vertu de la DSA (la loi sur les services numériques) à partir du 25 août », lui a-t-il rappelé en guise d'avertissement.

 « Nos équipes seront prêtes à faire appliquer la loi »

Pour rappel, le DSA contraint les plateformes à déployer des efforts pour réduire les risques de désinformation. Le texte prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial.

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 « Nos équipes seront prêtes à faire appliquer la loi », a complété le commissaire européen. Le départ de Twitter n'est toutefois pas une surprise pour les services de Thierry Breton. La rumeur avait déjà commencé à circuler depuis le 25 mai dernier. Selon des sources européennes, le réseau social aux mains d'Elon Musk avait informé la Commission européenne de ses intentions, mais n'avait pas encore notifié formellement la décision.

Depuis le rachat du réseau social il y a six mois, le milliardaire Elon Musk a assoupli la modération des contenus problématiques et semble avoir amplifié la voix de propagateurs notoires de désinformation sur la plateforme. Twitter a indiqué préférer faire appel à sa propre communauté d'internautes plutôt qu'à des fact-checkeurs, a-t-on indiqué de source européenne. Les rapports qu'il rendait jusqu'à présent sur la désinformation dans le cadre du code de bonnes pratiques étaient très lacunaires.

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« C'est peut-être mieux qu'il le quitte »

Déjà fin avril, la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la transparence, Vera Jourova, avait indiqué se sentir « de plus en plus mal à l'aise sur Twitter » en raison de la propagande russe sur cette plateforme. Elle s'était aussi inquiétée de voir Twitter manquer de personnel dédié à la lutte contre la désinformation, après les licenciements massifs opérés par Elon Musk.

« Si (Elon Musk) n'est pas sérieux sur le code, c'est peut-être mieux qu'il le quitte », avait commenté vendredi un responsable à la Commission européenne contacté par l'AFP. Lancé en 2018, le code européen de bonnes pratiques regroupe une trentaine de signataires, des géants comme Meta, Google, Twitter, Microsoft, TikTok, mais aussi de plus petites plateformes, ainsi que des professionnels de la publicité, des fact-checkeurs et des ONG.

Les signataires ont eux-mêmes participé à la rédaction du texte, qui contient une quarantaine d'engagements visant notamment à mieux coopérer avec les fact-checkeurs et à priver de publicité les sites diffusant des infox.

Une figure américaine des médias à la tête de Twitter

La décision de Twitter de quitter le code de l'UE intervient alors qu'à la mi-mai Elon Musk a nommé Linda Yaccarino, une figure américaine des médias et de la publicité, à la tête du réseau social qu'il a essoré de ses employés et annonceurs, et dont il va néanmoins garder le contrôle. L'actionnaire majoritaire de Twitter avait fait savoir qu'il avait embauché une femme pour diriger l'entreprise, précisant son nouveau rôle : « président exécutif du conseil d'administration et directeur de la technologie, pour superviser les produits, les logiciels et les activités ».

Lors de ses douze années au sein de cette filiale du câblo-opérateur Comcast, Linda Yaccarino a contribué à unifier l'ensemble des médias du groupe au sein d'une même plateforme publicitaire, pour simplifier l'offre aux annonceurs. Forte d'une carrière de plus de 30 ans dans la publicité télévisée, elle devrait apporter au réseau social de l'expérience, mais aussi un carnet d'adresses fourni, à l'heure où Twitter souffre d'un désengagement des marques.

Insultés ou menacés sur Twitter, des scientifiques quittent le réseau social

Des scientifiques confrontés à une déferlante d'insultes voire de menaces sur Twitter quittent désormais le célèbre réseau social, où le négationnisme climatique a bondi depuis sa prise de contrôle par Elon Musk. Peter Gleick, un spécialiste du climat et de l'eau suivi par près de 99.000 personnes sur Twitter, a annoncé le 21 mai qu'il ne publierait plus de messages sur la plateforme, l'accusant d'amplifier le racisme et le sexisme.

Le chercheur se dit habitué aux « attaques agressives, personnelles et ad hominem, allant jusqu'aux menaces physiques directes ». Mais, a-t-il confié à l'AFP, « ces derniers mois, depuis l'arrivée du nouveau propriétaire et les changements chez Twitter, la quantité et l'intensité des agressions a grimpé en flèche ».

Depuis qu'il a acheté Twitter il y a six mois, le milliardaire Elon Musk a assoupli la modération des contenus problématiques et laissé revenir des personnalités auparavant bannies, comme Donald Trump.

Robert Rohde, de l'association Berkeley Earth, a aussi analysé l'activité de centaines de comptes de spécialistes très suivis s'exprimant sur la science climatique, avant et après l'achat de Twitter. Il a conclu que ces tweets n'avaient plus le même écho : le nombre moyen de likes (pour marquer l'approbation) a chuté de 38% et ils ont été retweetés 40% moins souvent.

Twitter n'a pas commenté directement sur les changements apportés à ses algorithmes, qui génèrent le trafic et la visibilité sur le réseau. Contacté, le service de presse de la firme a répondu par un courriel généré automatiquement... avec un emoji en forme de crotte.

(Avec AFP)