Bluesky, la première véritable menace pour le Twitter d'Elon Musk ?

Alors que Twitter se dégrade continuellement depuis l'arrivée d'Elon Musk, plusieurs alternatives au réseau social ont émergé, sans vraiment parvenir à capter les utilisateurs déçus. Le dernier arrivé, Bluesky, pourrait néanmoins changer la donne. Explications.
François Manens
Bluesky, né de Twitter, pourrait devenir un concurrent sérieux.
Bluesky, né de Twitter, pourrait devenir un concurrent sérieux. (Crédits : Bluesky)

Twitter va-t-il subir un exode massif d'utilisateurs ? Le week-end dernier, lors d'un énième changement, le réseau social a modifié son algorithme. Désormais, les publications des abonnés à Twitter Blue (9,60 euros par mois) apparaissent en priorité. Elon Musk a ainsi créé de fait un réseau social à deux vitesses, entre ceux qui paient et ceux qui ne paient pas. Ce changement radical est la goutte de trop pour une partie des plus de 200 millions d'utilisateurs, qui ont décidé de quitter la plateforme.

Parmi les destinations de cet exode, un nom revient de plus en plus, Bluesky. Il faut dire qu'en apparence, ce site a tout d'une copie de Twitter et pour cause : il s'agit d'un projet interne du réseau social, initié en 2019 par son fondateur Jack Dorsey, qui vole de ses propres ailes depuis 2021. Encore en accès anticipé aujourd'hui, Bluesky accélère son développement pour espérer un lancement à court terme, avec l'ambition de créer un concurrent de taille à Twitter.

Lire aussiElon Musk s'attaque aux fondements de Twitter pour forcer les abonnements

Twitter, mais décentralisé

Bluesky se présente comme un réseau social dit « décentralisé », bâti sur une technologie pour réseaux sociaux qu'il développe, nommée « Authentic Transportation Protocol ». L'objectif : permettre aux utilisateurs de posséder eux-mêmes leurs profils, leurs messages, ou encore leurs listes d'abonnés et d'abonnement. Ancré sur le protocole et non sur un site, cette identité peut être déplacée sur un autre réseau social si l'utilisateur le souhaite. Du moins, en théorie, car pour l'instant, l'outil d'export des données n'existe pas.

Le projet Bluesky répond au scénario catastrophe des réseaux centralisés, que Twitter est en train de vivre : l'arrivée d'un décisionnaire -ici Elon Musk- bouleverse le fonctionnement et les valeurs de la plateforme. Face à ce constat, l'utilisateur mécontent n'a que deux options : rester et accepter les changements à contrecœur ou abandonner son profil et donc la communauté qu'il a pu créer sur la plateforme.

Autrement dit, la décentralisation porte la promesse d'une moindre dépendance aux plateformes, puisque l'utilisateur peut migrer vers de l'une à l'autre sans perdre ce qu'il a construit en cas de conflit. Cette interopérabilité des réseaux sociaux, inexistante aujourd'hui, devra tout de même s'accompagner d'ajustements techniques. Ironiquement, lorsque Jack a lancé le projet chez Bluesky, il espérait à long terme faire basculer son réseau social sur le protocole décentralisé. Trop tard.

Un lancement proche

Face à la dégradation de Twitter, Bluesky se retrouve face à une opportunité en or d'attirer des utilisateurs. En test depuis fin 2022, il a donc augmenté le nombre d'invitations à sa plateforme, en plus de lancer ses applications iOS et Android en février et mars. L'entreprise affiche désormais l'ambition de se lancer prochainement, avec un million d'utilisateurs dès le départ. Cet objectif ne devrait être qu'un défi technique, puisqu'il y aurait déjà autant de personnes de la liste d'attente pour l'accès anticipé, suite aux ratés successifs de Twitter.

Passer la barre du million d'utilisateurs serait déjà une performance remarquable. Mastodon, l'alternative historique à Twitter, n'avait jamais dépassé la barre des 500.000 utilisateurs mensuel avant le rachat d'Elon Musk. Certes, la prise de pouvoir du milliardaire avait entraîné une arrivée de plus de 2 millions de nouveaux utilisateurs, mais Mastodon n'a pas réussi à les conserver. Comme l'explique la CEO Jay Graber dans une interview donnée à The Verge, Bluesky s'appuie sur trois éléments qui le diffère de son aîné pour ne pas connaître le même sort : la portabilité des comptes vers d'autres plateformes ; la capacité à faire découvrir des comptes (là où Mastodon fonctionne en îlots thématiques), et des options de modérations intégrées. Comme le relève Bloomberg, Bluesky soigne également l'inscription à sa plateforme, là où l'arrivée sur Mastodon peut s'avérer complexe pour des personnes peu débrouillardes.

Pour autant, Bluesky n'est pas encore mûr pour le déploiement. L'entreprise a promis des fonctionnalités -comme la possibilité de choisir son algorithme de recommandation parmi une variété d'offred- qu'il n'a pas encore déployées. A vrai dire, l'entreprise vient à peine de présenter sa politique de modération (relativement classique par ailleurs), et surtout, elle n'a pas de modèle économique pour l'instant...

Et les autres ?

Bluesky n'est pas le seul à vouloir profiter du déclin de Twitter. En plus de l'alternative historique Mastodon, plusieurs plateformes de micro-blogging sont apparues ces derniers mois.

  • Nostr : ce protocole décentralisé a plusieurs similitudes avec Bluesky, comme celle d'avoir reçu un financement de Jack Dorsey. Mais contrairement à ce dernier, Nostr s'adresse à un public de spécialistes, et il n'a pas de site à proprement parler. Il s'agit d'un un client (plus grossièrement, un portail d'entrée) vers tout un univers d'applications en tout genre.
  • Hive Social : lancé en 2019, il met l'accent sur le partage d'images et de vidéos, ce qui lui vaut d'être décrit comme un hybride de Twitter et Instagram. Fin novembre 2022, il a enregistré un pic à 2 millions d'utilisateurs, loin des près de 240 millions de Twitter dans le sillage de l'arrivée d'Elon Musk.
  • Post News : lancé en décembre 2022 puis ouvert au public début avril, ce réseau social met l'accent sur le partage d'articles de presse, avec un système d'achat spécifique, pendant que chez Twitter, Elon Musk déverse sa haine des médias. Créé par le fondateur de Waze, Post News a convaincu le prestigieux fonds a16z (Facebook, AirBnB, Pinterest...) d'investir, et il attirerait un peu moins d'un million d'utilisateurs quotidiens actifs, selon Similar Web.
  • Spoutible : lancé par les développeurs d'un outil qui aidait à lutter contre la désinformation et le cyberharcèlement sur Twitter, Spoutible en est son clone le plus ressemblant. La différence ? La couche de sécurité supplémentaire est intégré par défaut. Mais pour l'instant, Spoutible présente un défaut majeur pour s'imposer : il n'a pas d'application, ce qui signifie qu'il n'est accessible que depuis un navigateur web
  • Et d'autres : Counter Social, Mozilla Social, Substack Notes...

Mais l'arrivée d'un acteur très attendu pourrait écraser cette concurrence. Début mars, le site Platformer a révélé que Meta, la maison-mère de Facebook et Instagram, travaille à la création d'un concurrent de Twitter. Un information confirmée par l'entreprise qui a expliqué qu'elle travaillait sur « un réseau social pour partager des nouvelles écrites  », dans lequel elle voyait « une opportunité pour créer un espace séparé où les créateurs et les figures publiques pourraient partager des informations. »

Peu de détails supplémentaire ont fuité sur cette nouvelle plateforme, également connue sous nom de « projet Barcelona », et qui semble à un stade très précoce de son développement : elle serait « décentralisée » (un terme à préciser, par ailleurs), les utilisateurs pourraient s'y connecter avec leurs identifiants Instagram, et la limite de caractère d'un message s'élèverait à 500 mots. De quoi mettre la pression sur Twitter, alors que l'entreprise a licencié 80% de ses employés et que les changements opérés par Elon Musk font fuir annonceurs et utilisateurs...

François Manens

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 27/04/2023 à 10:17
Signaler
La petite guerre privée des journalistes contre Twitter continue. Et ils ont raison : l'absence de censure sur Twitter pourrait bien signer à terme leur mise au chômage.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.