Le profil type de l'utilisateur du paiement sans contact ? Une femme de 58 ans achetant une baguette

Par Delphine Cuny  |   |  942  mots
Le règlement par carte ou smartphone avec la technologie sans contact progresse doucement en France, pour de mini-transactions. Les acteurs français, banques et opérateurs télécoms, espèrent un décollage rapide des usages avant que des concurrents, américains, ne s'imposent.

Avez-vous déjà réglé un petit achat en approchant simplement votre carte bancaire ou votre smartphone du terminal de paiement du commerçant ? Vous faites alors partie des quelques Français ayant déjà intégré ce nouveau geste dans leur vie quotidienne. Bien que très en pointe sur la technologie NFC (« Near Field Communication » ou communication en champ proche, soit 3 à 4 cm) du côté des industriels, avec des champions tels que Gemalto, et pionnière avec les cartes Navigo de la Ratp qui l'intègre depuis dix ans, la France demeure plutôt à la traîne en termes d'usages du paiement sans contact.


Pourtant, inutile d'être fondu de technologie pour pratiquer ce geste simple : le profil type de l'utilisateur du paiement sans contact est une femme de 58 ans, a indiqué la secrétaire d'Etat au Numérique Axelle Lemaire, vendredi à Bercy, lors d'une conférence de presse réunissant les principaux acteurs de l'écosystème, industriels, banques, opérateurs mobiles, commerçants. Et l'achat le plus courant est celui de la baguette : le plus grand nombre de transactions sans contact a été réalisé dans les boulangeries (1,64 million en 2014), devant la restauration rapide (McDo a notamment équipé ses magasins), les supermarchés et les cafés-restaurants.

Toutefois, Carrefour, le plus en avance (2.250 points de vente équipés), revendique à lui seul près de 6 millions de transactions effectuées de cette manière dans ses enseignes, soit environ 10% des passages en caisse. Le sans contact lui aurait permis de diviser par trois le temps de paiement en caisse, de 45 à 15 secondes, et le distributeur n'aurait constaté aucune fraude.

Seulement un commerçant sur 5 équipé


Au total, 70 millions de transactions « sans contact » ont été réalisées en France l'an dernier, essentiellement avec des cartes bancaires compatibles. Il y aurait 30 millions de cartes sans contact en circulation sur 67 millions : 100% du parc sera compatible fin 2016 selon Bruno de Laage, du GIE Carte bancaire. En Pologne, l'un des pays les plus avancés d'Europe, 60% des cartes le sont déjà et 33% des transactions en magasin sont réalisées sans contact. Certains territoires sont plus en pointe que d'autres, notamment quelques villes pionnières pour les expérimentations comme Strasbourg, Nice et Caen: ainsi, 75% des cartes sont compatibles dans le Bas-Rhin, les deux tiers en Haute-Savoie, Savoie, Haut-Rhin. La secrétaire d'Etat, qui a longtemps vécu à Londres, a fait remarquer que son ancienne carte bancaire britannique était compatible mais pas sa plus récente carte française !


Du côté des commerçants, le retard est encore plus flagrant : seuls 20% sont équipés des terminaux de paiement compatibles (267.000 points de vente environ), « une proportion encore relativement faible » a déploré la ministre, qui a appelé à « jouer collectif : les Anglo-saxons ont compris qu'il fallait une approche écosystémique. Si les banques ne le font pas, ce sont les startups qui proposeront des solutions et trouveront des trucs et astuces » a-t-elle mis en garde.

Le GIE Carte bancaire concède avoir privilégié l'équipement des particuliers d'abord, mais relève que si l'on exclut certains secteurs comme le luxe qui ne sont pas vraiment concernés par les petits paiements (moins de 20 euros), près de la moitié des commerçants seraient équipés.

Un plafond de 20 euros trop bas ?


Le panier moyen est de 11 euros, « ce qui reste modeste » a noté Axelle Lemaire, mais finalement cohérent avec le plafond de 20 euros fixé par les banques : au-delà il faut saisir obligatoirement un code confidentiel, ce qui fait perdre son intérêt à l'utilisation de la carte sans contact. « Nous ne souhaitons pas déplafonner, il faut du temps pour installer un usage » a insisté le président du conseil du GIE CB, ce qu'appelle pourtant de ses vœux Olivier Piou, le directeur général de Gemalto. Le montant des commissions n'est pas standardisé mais négocié au cas par cas par les commerçants et certains d'entre eux les jugent trop élevées et dissuasives sur les petites transactions (10 centimes facturés par exemple par certaines banques à des indépendants).

Le paiement mobile encore embryonnaire


Du côté du paiement mobile sans contact, 7,2 millions de Français auraient un téléphone mobile compatible, tous opérateurs confondus, sur 57 millions d'abonnés et les transactions se chiffreraient plutôt en dizaines de milliers. Cependant, « l'avenir du paiement sans contact, c'est le mobile, cela va augmenter très vite » a prédit le président du GIE Carte bancaire, qui a affirmé « Madame la ministre, les banques ne craignent pas du tout la concurrence des nouveaux entrants ! »


Les interrogations sur la sécurité des transactions sont-elles un frein ? Le patron de Gemalto, a balayé les questions sur les rumeurs d'appareils ou d'applications servant à "capturer" les données des cartes ou mobiles sans contact.

« C'est du fantasme, il y a zéro vol constaté. Et cette fraude théorique est de toute façon garantie, remboursée par les banques [pour les montants de moins de 20 euros, au-delà une franchise de 150 euros s'applique NDLR]. On nous posait la même question sur le Navigo il y a quinze ans puis sur le passeport électronique. La question est légitime mais arrêtez de vous faire des films ! » a lancé Olivier Piou.


En admettant qu'un fraudeur parvienne à récupérer les seules données disponibles en mode sans contact (le numéro à 16 chiffres de la carte et la date d'expiration), il n'aurait pas le cryptogramme visuel nécessaire, souligne le GIE Carte bancaire, qui insiste : « il n'y a pas de fraude avérée », ni en France ni dans les autres pays.