Nouveau revers pour Free Basics, l’Internet gratuit de Facebook

Par Pierre Manière  |   |  773  mots
Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, s'est fendu d'une tribune dans Time of India pour défendre son appli. (Crédits : <small>DR</small>)
Après avoir été suspendue en Inde, la plateforme du mastodonte américain visant à connecter les populations qui n’ont pas accès à Internet vient d’être bloquée en Egypte. Présentée comme une activité « philanthropique » par Mark Zuckerberg, l’application ne respecterait pas la neutralité du Net pour ses détracteurs.

Ce nouveau claquement de porte va-t-il faire boule de neige ? Après avoir été suspendue en Inde, l'application Free Basics de Facebook vient également d'être boudée par les autorités égyptiennes. D'après Reuters, ces dernières n'ont pas renouvelé l'autorisation indispensable pour proposer ce service, qui a vu le jour il y a deux mois dans le pays. D'après une source anonyme citée par l'agence, cette suspension ne serait pas liée à « des problèmes de sécurité » - en référence au rôle important des réseaux sociaux dans la révolution égyptienne de 2011. Mais on ignore, pour l'heure, les raisons de cette décision.

Portée par Facebook, Free Basics vise à offrir un accès à Internet aux populations des pays en voie de développement qui n'y ont pas accès, souvent faute de moyens. Ce projet, initialement lancé en 2013 sous le nom « Internet.org » a été renommé « Free Basics by Facebook » en septembre dernier. Comme son nom l'indique, il vise à proposer, via une appli mobile, tout un éventail de services Internet gratuits dans les domaines de la santé, de l'emploi, ou des informations locales (comme la météo par exemple). Ciblant en particulier l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie, Free Basics est disponible dans 37 pays, via des partenariats avec des opérateurs télécoms locaux.

Accusations de favoritisme

Présenté comme une activité philanthropique par Mark Zuckerberg - « la connectivité est un droit de l'homme », répète le patron du réseau social pour promouvoir sa plateforme -, l'initiative essuie depuis quelques mois des volées de critiques. En Inde, le service est même suspendu temporairement depuis le 23 décembre. Cette décision émane du gendarme des télécoms, qui a demandé à Reliance Communications, l'opérateur qui propose Free Basics, d'arrêter de le proposer.

Il faut dire qu'en Inde, Free Basics suscite des interrogations sur son respect de la neutralité du Net. Ce principe garantit, pour tous, l'égalité de traitement de l'ensemble des données échangées sur Internet. Mais sur Free Basics en Inde, c'est Facebook qui décide des services disponibles, quitte à en favoriser certains. Ainsi, on y trouve une version allégée du réseau social ou un accès au moteur de recherche Bing. Mais Google Search et Youtube sont en revanche payants. En attendant de redonner son feu vert à Free Basics, ou au contraire, de lui glisser définitivement un bâton dans la roue, le gendarme indien des télécoms a lancé une consultation publique à ce sujet, qui s'est achevée mercredi.

Intense lobbying de Facebook

Outre le respect de la neutralité du Net, les détracteurs de Facebook l'accusent d'utiliser Free Basics pour grossir sa base d'abonnés à bon compte, en jouant le bon Samaritain. Face à ces critiques, le mastodonte américain a mis les petits plats dans les grands. Dans la foulée de la suspension de Free Basics, il a multiplié les publicités dans la presse pour défendre son bébé.

Mieux, Mark Zuckerberg lui-même s'est fendu d'une longue tribune dans les colonnes de Time of India. Baptisée « Free Basics protège la neutralité du Net », celle-ci juge que dans le monde actuel, « tout le monde doit pouvoir accéder gratuitement aux services de base d'Internet ». Le patron de Facebook voit donc Free Basics comme un levier indispensable pour créer des emplois et réduire la pauvreté. Ainsi, « qui peut être contre cela ? », lâche-t-il. En réponse au fait que tous les sites et applications ne soient pas disponibles ou gratuits, il répond à travers plusieurs comparaisons. Parmi elles, il cite les bibliothèques, qui « ne contiennent pas tous les livres » existants, mais fournissent tout de même un service essentiel.

Une menace pour la démocratie ?

Un argumentaire que balayent beaucoup de défenseurs de la liberté de l'Internet. Et notamment le journaliste-entrepreneur influent Nikhil Pahwa. Dans une tribune également publiée dans le Time of India, en même temps que celle de Mark Zuckerberg, il dézingue Free Basics. A ses yeux, celui-ci pourrait « blesser la démocratie indienne ». D'un point de vue économique, il juge notamment que l'appli pourrait notamment nuire à l'écosystème des startups, si l'accès à certains services devait faire l'objet de discriminations.

Pour Facebook, l'enjeu est de taille : l'Inde avoisine les 400 millions d'internautes, et selon Nikhil Pahwa, elle devrait en compter 500 millions d'ici à 2017. Il s'agit donc d'un marché-clé. D'autant que si Free Basics devait y essuyer un revers, d'autres pays pourraient, possiblement, être tentés de faire de même.