Pour Maxime Saada (Canal+), « c’est terminé pour CanalPlay »

Par Pierre Manière  |   |  673  mots
Selon Maxime Saada, Canal+, qui « s’est beaucoup réformé » (il évoque notamment son plan d’économies de coûts « de 460 millions d’euros sur trois ans »), attend maintenant des gestes des autorités pour permettre au groupe d’évoluer dans un écosystème plus favorable. (Crédits : Reuters)
Lors d’une audition par la commission de la culture du Sénat, le président du directoire du groupe Canal+ a jugé que l’Autorité de la concurrence a mis trop de temps à lever l’interdiction d’avoir des exclusivités pour CanalPlay. Ce qui, selon lui, a accéléré la chute de la plateforme de vidéo à la demande par rapport à ses rivaux Netflix et Amazon.

Il était pour le moins remonté. Ce mercredi, Maxime Saada était auditionné par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Le président du directoire du groupe Canal+ a saisi cette opportunité pour fusiller copieusement « l'environnement » réglementaire et fiscal qui, selon lui, plombe et menace la société. Et ce, alors qu'il est confronté à la concurrence féroce de géants du numérique, à l'instar de l'ogre américain Netflix. Pour illustrer ses propos, Maxime Saada a fait le point sur la situation de sa plateforme de vidéo à la demande CanalPlay. Ou plutôt, comme il l'a indiqué, sur son agonie, en faisant état d'une sévère fuite des abonnés. Celle-ci serait, à l'en croire, la conséquence de la levée trop tardive d'une interdiction par l'Autorité de la concurrence. Cinglante explication :

« Vous le savez, suite à l'acquisition de notre concurrent TPS, nous avons fait l'objet d'injonctions et d'engagements vis-à-vis de l'Autorité de la concurrence, a-t-il rappelé. Il s'agissait d'une soixantaine d'engagements tout de même ! Et je rappelle que parmi ces injonctions ou ces engagements, nous n'avions plus, par exemple, la possibilité d'avoir des exclusivités pour notre offre de vidéo à la demande CanalPlay. [...] Au moment où Netflix est arrivé en France, le seul acteur français de la vidéo à la demande par abonnement, c'était CanalPlay. Nous avions 800.000 abonnés, et nous avons eu l'interdiction d'avoir des exclusivités face à Netflix et Amazon. Résultat des courses: pour cette injonction qui vient d'être levée par l'autorité - et je leur ai dit, malheureusement, c'est trop tard... - CanalPlay est passé de 800.000 à 200.000 abonnés. C'est terminé pour CanalPlay. [...] En deux ans, on a été rayé de la carte sur ce marché qui est aujourd'hui [...] en train de se substituer à la télévision. »

Le boulet des décrets audiovisuels

Pour Maxime Saada, les pouvoirs publics, régulateurs et autorités indépendantes doivent donc ne pas « négliger la vitesse à laquelle les choses se produisent ». Sous ce prisme, il appelle notamment à revenir au plus vite sur certains décrets audiovisuels pour permettre à Canal+ de retrouver la propriété des droits patrimoniaux de ses productions, en particulier pour les diffuser à l'international.

« Les décrets audiovisuels, nous, ça fait deux ans qu'on en parle. Dans deux ans [si la situation n'évolue pas, Ndlr], la France n'existera plus dans la fiction », alerte-t-il.

Selon lui, Canal+, qui « s'est beaucoup réformé » (il évoque notamment son plan d'économies de coûts « de 460 millions d'euros sur trois ans »), attend maintenant des gestes de la part des autorités pour permettre au groupe d'évoluer dans un écosystème plus favorable. Ses cibles ? Outre les décrets audiovisuels, il a râlé contre la TVA, la fiscalité jugée beaucoup lourde, sans oublier la concurrence inéquitable des « GAFAN » (les GAFA plus Netflix) qui payent trop peu d'impôts en France, ou le CSA « qui [les] a pénalisé autour de 18 millions d'euros » pour « des blagues à l'antenne ». Concernant ce dernier grief, le groupe a été épinglé pour des séquences de l'émission « Touche pas à mon poste », sur C8, jugées homophobes, sexistes ou portant atteinte au respect de la personne humaine.

Le « séisme » de la perte des droits de la L1

Enfin, Maxime Saada est revenu sur « le séisme », selon ses mots, de la perte des droits de la L1, le championnat de France de football, pour la période 2020-2024. A l'en croire, Canal+ a bien fait de ne pas jouer la carte de la surenchère face à Mediapro. Propriété du fonds chinois Orient Hontai Capital, ce groupe espagnol n'a pas hésité à casser la tirelire (780 millions d'euros par an) pour emporter les meilleurs lots du récent appel d'offres. D'après le président du directoire, « dépenser un montant inconsidéré » pour ces droits aurait signé l'arrêt de mort du groupe.