Pourquoi Orange investit dans la banque

Par Pierre Manière  |   |  775  mots
Stéphane Richard, le PDG d'Orange.
Ce jeudi, l’opérateur historique a dévoilé Orange Bank, son offre bancaire digitale pour le grand public. En investissant ce secteur, le groupe souhaite se diversifier alors que le marché des télécoms est depuis longtemps mature dans l’Hexagone. Dans un climat ultra-concurrentiel, Orange mise sur ce nouveau service pour fidéliser ses abonnés.

Opération diversification ! Ce jeudi, Orange a dévoilé son nouveau bébé, Orange Bank. Ce service, 100% mobile, était attendu, depuis que l'opérateur historique a racheté Groupama Banque, la filiale bancaire de l'assureur mutualiste, il y a tout juste un an. Si Orange présente l'initiative comme une « révolution », elle ne constitue pas, pour autant, une surprise. En Afrique, le géant français des télécoms a lancé dès 2008 Orange Money, une solution de paiement et de transfert d'argent. Celle-ci compte aujourd'hui 30 millions d'utilisateurs dans quelques 17 pays. Et en octobre 2014, Orange s'est associé avec une grande banque polonaise pour lancer Orange Finanse, et proposer des services financiers comme des prêts à la consommation.

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En clair, l'arrivée d'Orange Bank en France s'apparente, in fine, à une montée en puissance de l'opérateur historique dans un secteur familier. Mais pourquoi diable le géant des télécoms vient-il investir ce nouveau marché ? Premièrement parce qu'en France - et globalement sur le Vieux Continent - le marché des télécoms est déjà mature, dans la mesure où presque tous les Français disposent déjà d'abonnements Internet fixe et de téléphonie mobile. Sous cet angle, Orange Bank constitue un moyen de doper sa croissance sur le long terme, sur un créneau où il estime avoir une carte à jouer vis-à-vis des grands groupes bancaires traditionnels. Même si dans l'immédiat, comme le souligne Stéphane Richard, le PDG de l'opérateur, « Orange Bank n'est pas un projet qui est destiné à gonfler les résultats d'Orange ». « On sait déjà que [celui-ci] va même générer des pertes pendant quelques années (à hauteur de 100 millions d'euros cette année, NDLR) », renchérit-il.

Fidéliser les clients

En parallèle, Orange Bank doit permettre à Orange de fidéliser davantage ses abonnés dans les télécoms, et d'éviter qu'ils ne filent chez ses rivaux. Les services financiers - dont certains de longue durée, comme les crédits à la consommation qui devraient voir le jour d'ici peu - vont enrichir les offres classiques de l'opérateur. Lequel espère ainsi se distinguer de la concurrence. Pour Vincent Maulay, analyste chez Oddo Securities, Orange Bank constitue vraisemblablement un moyen pour le groupe de réduire le « churn », soit la proportion de clients qui le quittent pour filer chez d'autres opérateurs. Derrière cette stratégie, il y a un aspect défensif évident. Mais il y a aussi, possiblement, un volet offensif, puisque des abonnés fidèles sont plus enclins à accepter d'éventuelles hausses tarifaires...

Reste que, interrogé à ce sujet, Stéphane Richard affirme mordicus qu'Orange Bank n'a rien d'une arme « anti-churn » :

« On n'en a pas besoin, balaye le grand patron. Vous savez aujourd'hui en France, Orange a le taux de "churn" le plus bas du marché. Et de loin, d'ailleurs, que ce soit dans la téléphonie mobile ou dans l'Internet fixe. [...] On veut vraiment enrichir la relation que nous entretenons avec nos millions d'utilisateurs, en leur apportant un nouveau service utile et gratuit. »

Orange lance son assistant virtuel

L'autre point intéressant pour Orange, c'est qu'Orange Bank lui permet de créer de la valeur à moindre frais. De fait, Orange n'a pas besoin d'ouvrir de nouvelles boutiques spécialisées: il va au début se contenter de 140 corners dédiés à la banque au sein des 700 enseignes dont il dispose déjà dans toute la France. Stéphane Richard en convient :

« Ce nouveau métier va nous permettre de mieux valoriser nos infrastructures », souligne-t-il.

Au final, la banque ne constitue qu'une des nombreuses diversifications opérées par Orange. Depuis plusieurs années, l'opérateur historique multiplie les incursions dans de nombreux domaines, comme la cybersécurité, l'e-santé, l'Internet des objets ou encore la ville intelligente. Ce jeudi, Orange a d'ailleurs ajouté une nouvelle corde à son arc : l'intelligence artificielle. A l'instar des américains Microsoft, Apple, Amazon ou Google, le géant français des télécoms a dévoilé son propre assistant virtuel. Baptisé Djingo, et développé en partenariat avec Deutsche Telekom, celui-ci permet, grâce à un système de commande vocale, de piloter ses objets connectés, d'accéder à des conseils personnalisés, ou de passer des appels et d'envoyer des SMS. Pour interagir avec l'assistant, Orange a aussi conçu un speaker maison. D'après l'opérateur, ce nouveau service sera disponible au début de l'année prochaine.

Le nouveau speaker d'Orange, qui permettra de converser avec l'assistant virtuel Djingo. (Photo: DR)