Présence numérique, taxe provisoire... Ce que prévoit l'UE pour taxer les géants de l'Internet

Par Anaïs Cherif  |   |  788  mots
Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, présentait ce mercredi le projet de taxation des GAFA. (Crédits : Reuters)
La Commission européenne présentait ce mercredi son plan pour taxer les géants de l'Internet. Elle privilégie une approche juridique, avec la définition de "présence numérique", et budgétaire, avec une taxe temporaire de 3% sur les revenus générés en Europe. L'institution espère mettre en place ses propositions d'ici la fin de l'année.

La nouvelle taxation des géants de l'Internet en Europe se précise. Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, détaillait ce mercredi les propositions en la matière lors d'une conférence de presse à Bruxelles. "Nous devons construire une fiscalité du 21e siècle pour notre marché intérieur", assurait-il en guise de préambule.

"L'économie numérique est une opportunité majeure pour l'Europe, et l'Europe est une énorme source de revenus pour les entreprises du numérique. Mais cette situation 'gagnant-gagnant' soulève des préoccupations juridiques et fiscales."

En effet, certaines entreprises technologiques opérant en Europe sont accusées de payer très peu d'impôts. La cause : elles se livrent à de l'optimisation fiscale, leur permettant de transférer une partie de leurs bénéfices vers des Etats membres à faible imposition, comme l'Irlande et le Luxembourg.

"Cela représente un trou noir de plus en plus important pour les États-membres, car l'assiette fiscale s'érode", déplore Pierre Moscovici.

Pour tenter d'y remédier, la Commission européenne, qui souhaite voir appliquer sa proposition d'ici à la fin de l'année, propose deux réformes :

■ Taxe provisoire de 3% (en attendant une réforme fiscale d'envergure)

A court terme, la Commission propose d'instaurer une taxe temporaire sur les revenus des entreprises technologiques - en attendant une réforme fiscale d'envergure.

"Cette taxe provisoire garantit que les activités qui ne sont actuellement pas taxées efficacement commenceront à générer des revenus immédiats pour les États membres", souligne Pierre Moscovici.

La particularité : cette taxe s'appliquera sur les revenus - et non sur les profits, comme cela se fait traditionnellement. Elle vise les entreprises qui génèrent des revenus de ces différentes manières :

  • à partir de la vente d'espaces publicitaires sur Internet, comme Google par exemple;
  • à partir "d'activités intermédiaires numériques qui permettent aux utilisateurs d'interagir avec d'autres utilisateurs et qui peuvent faciliter la vente de biens et de services entre eux", comme les réseaux sociaux, par exemple;
  • à partir de la vente de données générées à partir d'informations fournies par l'utilisateur.

Pour la Commission, "les utilisateurs jouent un rôle majeur dans la création de valeur" de ces activités. C'est pourquoi cette taxe sera collectée par les États-membres où sont basés les utilisateurs. Les entreprises seront imposables si elles remplissent les deux seuils suivant :

  • leurs recettes annuelles mondiales s'élèvent à 750 millions d'euros;
  • les recettes générées dans l'UE atteignent 50 millions d'euros.

Gain estimé pour les Etats-membres : "5 milliards d'euros par an pourraient être générés si la taxe est appliquée au taux de 3%".

■ Définir la "présence numérique" (et combler un vide juridique)

Actuellement, le droit européen définit une "présence physique" pour les entreprises - comme les bureaux, les magasins ou le siège social. Celle-ci permet à un Etat-membre de taxer l'entreprise en question. En revanche, il y a un vide juridique concernant la "présence numérique". Par exemple, une société comme Facebook dispose d'un siège social à Dublin, pour autant le fleuron de la Silicon Valley opère dans toute l'Europe.

La Commission européenne propose donc une "définition juridique de la présence numérique, qui viendra s'ajouter à la présence physique. En l'absence de présence physique, une entreprise sera imposable sur ses activités numériques", assure Pierre Moscovici. Un seul des trois critères ci-dessous devront être remplis :

  • si les revenus de l'entreprise dépassent le seuil de 7 millions d'euros de recettes annuelles dans un Etat-membre;
  • si l'entreprise compte plus de 100.000 utilisateurs dans un Etat-membre au cours d'une année imposable;
  • si la société revendique plus de 3.000 contrats commerciaux pour ses services numériques au cours d'une année imposable.

"Cette proposition est la priorité de la Commission. C'est une réponse à long terme, qui permet de moderniser la façon dont nous définissons l'impôt des sociétés en Europe", a conclu le Commissaire européen aux Affaires économiques.

" Ce n'est pas une 'Gafa-tax' ", a martelé Moscovici

Ces deux propositions doivent encore être adoptées à l'unanimité par les 28 Etats membres - alors que le projet pourrait se heurter aux réticences de l'Irlande et du Luxembourg.

"Ce n'est pas une 'GAFA-tax' ou une taxe anti-américaine. Nous taxons des activités - et non des entreprises", a martelé Pierre Moscovici. Avant d'estimer qu'entre "120 à 150 entreprises pourraient être visées par ces propositions. Nous sommes loin des 4 GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon, Ndlr]."