Quand « l’impatience numérique » des Français fait jaser

Par Pierre Manière  |   |  850  mots
La députée Les Républicains Laure de La Raudière appelle le gouvernement et les industriels à accélérer le déploiement de l'Internet fixe à très haut débit pour éviter qu'une fracture numérique ne s'installe durablement.
Lors des onzièmes Assises du très haut débit, plusieurs industriels et acteurs des télécoms se sont félicités de l’avancée du Plan France Très haut débit, qui vise à apporter un Internet fixe ultra-rapide à tous les Français d’ici à 2022. Face à ces « autocongratulations », la députée Laure de La Raudière (Les Républicains) s’est emportée, estimant qu’une accélération de ce grand chantier était un impératif. « Quand vous n’avez pas le très haut débit, attendre cinq ans, c’est insupportable », a-t-elle lancé.

Le Plan France Très haut débit (ou Plan France THD) n'en finit pas de faire jaser. Lors des onzièmes Assises du très haut débit, qui rassemblaient ce mercredi plusieurs acteurs des télécoms engagés dans la couverture de l'Hexagone en Internet fixe ultra-rapide (supérieur à 30Mb/s), certains participants ont échangé des amabilités. La pomme de discorde ? L'accélération de ce grand chantier, qui doit s'achever d'ici à 2022, ainsi que le recours à des technologies moins coûteuses et performantes que la fibre à certains endroits du territoire.

Directeur général délégué d'Orange, Pierre Louette a, sans le vouloir, mis le feu aux poudres en partageant quelques « réflexions ». Parmi elles, il a évoqué l'« impatience numérique » des Français. « Cette impatience numérique, légitime, concerne aussi bien l'Internet fixe que mobile, a-t-il constaté. Chez Orange, on la prend très au sérieux. Même si on peut dire qu'elle nous a collectivement tous un peu dépassé. Je pense que personne n'a imaginé qu'Internet se propagerait à une telle vitesse, et deviendrait rapidement aussi fondamental pour tous. » Juste à côté de lui, la députée fraîchement réélue Laure de La Raudière (Les Républicains) trépigne. Plus tard, l'élue d'Eure-et-Loir jugera que cette « impatience numérique » était pourtant prévisible, affirmant avoir clamé, « dès 2007 », que l'Internet à très haut débit « deviendrait aussi important que l'eau et l'électricité ».

« 2022, c'est dans cinq ans ! »

Mettant un terme à cette « réflexion », Pierre Louette a ensuite loué le rôle d'Orange dans le Plan France THD. Il faut dire que l'opérateur historique est depuis longtemps la locomotive de ce grand chantier. Leader des investissements dans la fibre jusqu'à l'abonné (ou FTTH pour Fiber to the home), Orange possède à ce jour environ 70% du marché. « On a engagé un important processus industriel qui nous a permis, en 18 mois, de doubler notre capacité de production de prises FTTH », s'est félicité Pierre Louette. Ainsi, de manière générale, le dirigeant d'Orange se montre optimiste quant à la capacité de l'industrie des télécoms à couvrir effectivement tout le territoire en très haut débit à horizon 2022. « On est en train de réussir ! », a-t-il estimé.

Des propos qui ont profondément agacé Laure de La Raudière. « J'ai l'impression qu'on s'auto-congratule un peu », a canardé la députée. A l'en croire, le problème n'est pas de respecter les délais du Plan France THD. Mais plutôt de mettre un point d'honneur à l'accélérer, dans la mesure où certains foyers, notamment dans les campagnes et les zones rurales, vont devoir se débrouiller pendant encore plusieurs années avec une connexion Internet de piètre qualité. « Oui, des travaux ont été faits. Mais 2022, c'est dans cinq ans !, s'est-elle emportée. Mais c'est insupportable d'attendre cinq ans quand vous n'avez pas le très haut débit ! Il y a des gens qui vont déménager à cause de ça ! »

Bientôt une accélération du plan ?

En outre, d'après elle, il est impératif que tous les Français aient accès « à la même expérience de connectivité ». Or dans le cadre du Plan France THD, 20% de la population ne sera pas couverte en FTTH en 2022 pour des raisons de coûts et de rentabilité économique. Dans ces villages ou zones rurales, peu denses et difficiles d'accès, les populations disposeront du très haut débit par le biais d'autres technologies (ADSL amélioré, satellite, ou réseau mobile). Une perspective qui fait sortir Laure de La Raudière de ses gonds : à l'en croire, il ne s'agit que d'une rustine, loin de faire l'affaire sur le long terme. « Je vais vous dire un truc là, a fusillé la députée sur un ton professoral. Depuis 2010, je dis que l'avenir n'est pas la montée en débit [un ADSL boosté sur le réseau cuivré, NDLR]. On ne résoudra pas non plus les problèmes de connectivité avec du mobile ou du satellite. Ça ne marchera que pendant trois, quatre, ou cinq ans, mais ce ne sera pas suffisant. [...] On a besoin de la fibre et d'une connectivité de haut niveau dans tous les territoires. »

Quoi qu'il en soit, le nouveau gouvernement se penchera sur le Plan France THD ce vendredi. Comme l'a indiqué Les Echos, Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires, mènera une réunion avec les opérateurs télécoms. Avec un double objectif : assurer la pérennité et la viabilité de ce chantier à 20 milliards d'euros. A cette occasion, le gouvernement et les industriels verront s'il est possible d'accélérer encore la couverture du territoire. Sachant que le Premier ministre Edouard Philippe, dans sa déclaration de politique générale ce mardi, a promis de garantir l'accès au très haut débit partout en France « au plus tard » d'ici 2022.

> Lire aussi : Internet : la bataille du très haut débit pour tous