Régulation de la fibre : l'Arcep tente de calmer Orange

Par Pierre Manière  |   |  638  mots
Sébastien Soriano, le président de l'Arcep.
Sébastien Soriano, le patron du gendarme des télécoms, a justifié ce matin sur BFM Business sa volonté d'apporter "un petit complément" au cadre de régulation du déploiement de la fibre pour accélérer les investissements. Alors que ses mesures, dévoilées lundi et destinées à épauler les concurrents d'Orange, ont fait enrager l'opérateur historique.

Eteindre l'incendie. Tel était l'objectif de Sébastien Soriano, ce jeudi matin, sur BFM Business. Le patron de l'Arcep, le gendarme des télécoms, est revenu sur sa volonté de réguler Orange dans la fibre. Dévoilé ce lundi, son "petit complément" au cadre de régulation a mis le feu aux poudres chez l'opérateur historique. Locomotive des investissements dans la fibre avec une part de marché d'environ 75%, celui-ci estime que l'Arcep vient lui mettre des bâtons dans les roues en favorisant injustement ses concurrents SFR, Free et Bouygues Telecom.

Pour Orange, si ses rivaux ont pris du retard dans le déploiement de la fibre, c'est parce qu'ils n'ont pas voulu mettre la main au portefeuille. Très énervé par le parti-pris de l'Arcep, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, n'a pas hésité, avant-hier, à interpeller publiquement son patron dans un tweet rageur :

"Sébastien Soriano : la France en retard sur le THD [Très haut débit, Ndlr], il faut donc s'attaquer à Orange, seul opérateur qui investit massivement. Cherchez l'erreur."

Face à cette fronde du leader français des télécoms, le président de l'Arcep a voulu calmer le jeu. D'emblée, il s'est présenté comme "un arbitre équitable" :

"Ce que nous voulons, c'est booster l'investissement en France. Aujourd'hui, la situation est simple: Orange investit beaucoup, mais ils nous disent être à la limite de ce qu'ils peuvent faire. Il ne s'agit certainement pas de sanctionner cet investissement, mais de trouver des relais, des compléments à [cet effort]. Et ceux-ci viendront des autres opérateurs."

"Un certain nombre de verrous"

Or d'après Sébastien Soriano, les rivaux d'Orange sont confrontés à "un certain nombre de verrous pour déployer leurs réseaux" en fibre optique:

"Il y a un verrou très simple: la réglementation française impose qu'il n'y ait qu'un opérateur qui déploie la fibre dans l'immeuble. C'est très bien [...], c'est de bonne gestion. Mais il faut à un moment se raccorder à la fibre dans l'immeuble. Or aujourd'hui, dans les zones les plus denses du territoire, Orange est très en avance. Il a installé la fibre dans beaucoup d'immeubles. C'est très bien, sauf que les autres opérateurs n'arrivent pas à y rentrer pour se raccorder..."

D'où la nécessité, pour le patron de l'Arcep, "de demander à Orange [...] d'accompagner les autres opérateurs" pour qu'ils ne soient pas freinés.

"Une mesure chirurgicale"

Sur le fond, Sébastien Soriano voit donc son remède comme une "mesure chirurgicale millimétrée", à dix lieues d'une remise en cause de toute la régulation. Agacé d'être présenté comme celui qui vient plomber la rentabilité des investissements d'Orange, il précise, presque menaçant, que l'Arcep aurait pu aller beaucoup plus loin :

"Vous savez, il y a quelque chose que nous avons décidé de ne pas faire [...] : c'est le dégroupage de la fibre [qui consisterait à donner accès au réseau d'Orange à la concurrence, Ndlr]. Ici, on contrôlerait les prix, tout serait encadré. [...] Sur la fibre, chacun doit déployer sa propre fibre dans les rues. C'est un combat de rues. C'est un combat de caves. Pour passer de la rue à la cave, on a besoin d'Orange, c'est simple, et ce n'est quand même pas une remise en cause totale du cadre de la réglementation."

Puis, pour calmer les esprits, Sébastien Soriano s'est dit "pragmatique":

"Nous mettons aujourd'hui une proposition de régulation sur la table. Si demain Orange avance de sa propre initiative pour régler ces problèmes, peut-être qu'on considérera [qu'il suffit] simplement d'accompagner le mouvement..."

En clair, pour lui, la balle est désormais dans le camp de l'opérateur historique.