Deliveroo, UberEats, Glovo... En grève, les coursiers dénoncent leur statut précaire

Par Anaïs Cherif  |   |  638  mots
Les coursiers se voient imposer le statut d'auto-entrepreneurs par les plateformes. Ils ne peuvent donc pas prétendre à un salaire minimum, à des congés payés et moins encore à des arrêts maladie. (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)
Tarification minimale horaire, bonus de pénibilité, activité garantie... Ce sont les revendications des coursiers à vélo de plateformes de livraison de repas, comme Deliveroo ou UberEats. En grève depuis dimanche, ils appellent les clients à ne pas commander durant toute la semaine, jusqu'à la fin de la Coupe du monde.

Les coursiers à vélo dénoncent la précarisation de leur statut. En grève depuis dimanche soir, ils appellent les clients à ne pas commander jusqu'au 15 juillet - soit jusqu'à la finale de la Coupe du monde.

"Si nous sacrifions l'une des semaines les plus rentables de l'année (celle des derniers matchs de la Coupe du monde), c'est parce qu'il est devenu urgent de nous unir entre livreurs, afin de dépasser l'extrême individualisation qu'imposent nos conditions de travail", indique dans un communiqué de presse relayé sur Twitter Clap, collectif des livreurs autonomes parisiens.

A l'initiative de ce mouvement, des livreurs de plusieurs plateformes de livraisons de repas : UberEats, Deliveroo, Stuart, Glovo et Foodora. Le collectif réclame une "tarification minimum horaire garantie" par leur contrat, "la prise en compte de la pénibilité de travail via différents bonus (pluie, week-end, nuit...)", ainsi que des "plages de travail et une activité" garanties. Et de regretter :

"Depuis plusieurs mois, nous avons vu nos rémunérations diminuer et les distances de livraison augmenter". "L'attribution de commandes" ou de "places sur le planning s'avèrent de plus en plus incertaine" du fait du recrutement de nouveaux livreurs.

L'été dernier, une protestation avait été organisée par les coursiers Deliveroo contre les nouvelles modalités de tarification. L'entreprise anglaise a imposé la généralisation du paiement à la course (5 euros en régions, 5,75 euros à Paris), contre auparavant 7,50 euros de l'heure et un bonus allant de 2 à 4 euros.

Accusations de salariat déguisé

Les coursiers se voient imposer le statut d'auto-entrepreneurs par les plateformes. Ils ne peuvent donc pas prétendre à un salaire minimum, à des congés payés et moins encore à des arrêts maladie. En mars dernier, Deliveroo avait néanmoins surpris ses coursiers en leur offrant la possibilité de souscrire gratuitement à une assurance auprès d'Axa pour les couvrir en cas de dommage sur un tiers.

Ces entreprises de l'économie dite "collaborative", comme Uber ou Glovo, sont accusées de créer une nouvelle forme de précarité. Celles-ci répliquent en martelant que leur modèle vise à assurer un "complément de revenu" à ses livreurs, et non un "salaire".

Si les plateformes imposent le statut d'auto-entrepreneur, certaines d'entres elles exigent en retour des conditions de travail strictes et impératives : port obligatoire d'une tenue à l'image de l'entreprise, posséder son propre vélo, interdiction de travailler pour une plateforme concurrente sur le même créneau horaire... Autant de conditions imposées qui donnent corps aux accusations de salariat déguisé.

| Lire aussi : Le guide de Deliveroo pour déjouer les accusations de salariat déguisé

Un projet de loi permettant d'éviter la requalification en salariat?

Les coursiers en grève s'opposent également à "l'amendement Taché", inséré par la majorité LREM dans le projet de loi sur l'avenir professionnel.

Examiné le 10 juillet par le Sénat, l'amendement introduit la possibilité pour les plateformes d'établir une "charte sociale". Celle-ci devrait définir "ses droits et obligations ainsi que celles des travailleurs avec lesquels elle est en relation". Problème : si le texte incite les plateformes à s'engager pour la protection sociale de leurs travailleurs, il évite soigneusement de permettre une requalification en salariat.

En effet, le projet de loi précise qu'une telle charte ne peut "caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et le travailleur". En parallèle, la charte devra notamment garantir "le caractère non-exclusif de la relation entre le travailleur et la plateforme", assurer aux travailleurs "une rémunération décente", contenir des "mesures de prévention des risques professionnels" et des "garanties applicables en cas de rupture de relations contractuelles entre la plateforme et le travailleur". La startup britannique Deliveroo a accueilli "favorablement" un amendement qui met "fin à l'arbitrage entre flexibilité et sécurité".