Bouygues Telecom s’attaque au prix d’accès au réseau de fibre de SFR

Par Pierre Manière  |   |  607  mots
Martin Bouygues, le PDG du groupe Bouygues et maison-mère de Bouygues Telecom. (Crédits : © Charles Platiau / Reuters)
L’opérateur de Martin Bouygues a déposé une demande de règlement de différend au régulateur des télécoms.

La manœuvre a irrité l'état-major de Bouygues Telecom. SFR a récemment décidé d'augmenter ses tarifs permettant aux autres opérateurs d'accéder ses réseaux de fibre dans les territoires moyennement denses. Ces derniers regroupent, pour l'essentiel, les villes moyennes et les périphéries des grandes agglomérations. Dans le cadre du plan France Très haut débit, qui vise à offrir un Internet fixe ultra-rapide à tous les Français d'ici à 2022, l'opérateur au carré rouge s'est engagé à couvrir environ 20% de ces plus de 13 millions de locaux et habitations en fibre, contre 80% pour Orange. SFR, comme l'ex-France Télécom, ont toutefois l'obligation d'ouvrir ces réseaux aux autres opérateurs, à « prix raisonnable » au regard de l'Arcep, le régulateur du secteur.

Problème : aux yeux de Bouygues Telecom, comme d'autres opérateurs, les tarifs pratiqués par SFR n'ont plus rien de « raisonnables ». Ils sont jugés prohibitifs. Au point que, selon nos informations, l'opérateur de Martin Bouygues a formellement déposé, il y a plus de deux mois, une demande de règlement de différend à l'Arcep. Dans le détail, Bouygues Telecom est furieux des récentes augmentations tarifaires de son rival. Au 1er février, son tarif dit de « cofinancement » - dont bénéficient les opérateurs qui ont décidé de coinvestir avec SFR, par tranches de 5% de son périmètre en zone moyennement dense - est passé de 5,32 à 5,80 euros mensuels par ligne. En parallèle, le prix de location d'une ligne à l'unité a grimpé de 16,40 à 16,73 euros par mois.

« Pas de passager clandestin »

Avant son augmentation tarifaire, SFR était déjà plus cher qu'Orange, qui facture la location de la ligne à 13,20 euros en zone moyennement dense. Certaines jugent les prix de l'opérateur au carré rouge d'autant moins justifiés que se raccorder à son réseau s'avère, pour des raisons techniques, plus coûteux que chez Orange. Ils arguent que la stratégie de SFR vise, outre l'augmentation de ses marges, à se réserver la part du lion concernant ses déploiements de fibre dans la zone moyennement dense. Ses tarifs viseraient, en clair, à décourager ses rivaux d'y proposer des offres de fibre concurrentes.

C'est d'ailleurs ce risque qu'a récemment évoqué, sans ambages, Sébastien Soriano, le président de de l'Arcep :

 « Il y a aujourd'hui, dans les zones privées, un travail en cours de l'Arcep, puisqu'un des grands opérateurs qui déploie la fibre a des pratiques tarifaires qui posent question, a-t-il déclaré vendredi dernier, lors d'une visioconférence à destination des collectivités. Je veux dire que nous y travaillons. L'Arcep ne laissera pas de passager clandestin dans le système. Elle ne laissera pas un acteur profiter de la situation pour pratiquer des prix plus élevés en ayant instauré un monopole privé. Comptez bien sur l'Arcep pour remettre les points sur les "i" à ce sujet. »

L'Arcep en arbitre

Un bon connaisseur du secteur tempère toutefois les critiques visant SFR. Il argue, d'une part, que l'opérateur de Patrick Drahi dispose d'une base de coûts plus élevée qu'Orange, opérateur historique et numéro un français des télécoms. D'autre part, il se demande pourquoi Bouygues Telecom ne sollicite l'Arcep qu'aujourd'hui, alors que le prix de location de la ligne de SFR est resté stable, à 16,40 euros, depuis 2012 jusqu'à la dernière augmentation. Enfin, il estime que Bouygues Telecom aurait aussi pu choisir de coinvestir, au moins en partie, avec SFR, au lieu de recourir uniquement à la location de lignes à l'unité. Quoi qu'il en soit, c'est désormais au régulateur d'arbitrer.