Pourquoi les Français sont si chatouilleux dès qu'on touche à leur épargne

Par latribune.fr  |   |  776  mots
Les ménages français avaient accumulé 10.300 milliards d'euros de patrimoine net à fin 2011 selon l'Insee.
La volte-face fiscale du gouvernement ce week-end a montré à quel point l'épargne était sujette à la crispation en France. Avec un taux d'épargne de 15,6% en 2012, les Français compte parmi les plus "fourmis" du monde. Un fait qui s'expliquerait par leur anxiété et leurs habitudes culturelles en matière de placements.

Toucher à l'épargne des Français reste visiblement l'un des meilleurs moyens pour le gouvernement de se les mettre à dos. La taxation à 15,5% des plus-values réalisées sur les Plans d'Épargne en Actions (PEA) et Plans d'Epargne Logement (PEL) votée par les députés le 23 octobre puis annulé par l'exécutif ce weekend en est un bel exemple.

Le 2e taux d'épargne le plus élevé de zone euro

La mesure a immédiatement provoqué la fronde des épargnants, et fait douter les députés socialistes qui avaient pourtant voté la loi. Du coup, le gouvernement a décidé de faire machine arrière. "Nous avons décidé d'amender le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour sortir les PEL, les PEA et l'épargne salariale de la mesure pour épargner les patrimoines moyens et modestes", assurait dimanche Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, dans un entretien au Journal du dimanche. La taxation était censée rapporter 600 millions d'euros à l'État pour combler en partie le déficit de la Sécurité sociale, elle ne génèrera finalement que 400 millions.

>> Taxation sur l'épargne: Bercy recule sauf sur l'assurance-vie

C'est un fait, les Français demeurent très attaché à leur bas de laine. L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estime que le taux d'épargne moyen du revenu disponible brut des ménages français était de 16% en 2011, et 15,6% en 2012.  Soit le deuxième plus élevé de la zone euro, derrière celui des Allemands. En moyenne dans l'Union européenne, ce taux est de 10,95% d'après les données d'Eurostat.

Entre habitude culturelle et anxiété pour l'avenir

La structure de l'épargne se présente ainsi: les ménages avaient accumulé 10.300 milliards d'euros de patrimoine net à fin 2011 selon l'Insee, soit huit ans de leurs revenus, et celle-ci est essentiellement placée dans les actifs "non financiers" (l'immobilier en grande partie). Le reste est investi dans des livrets, des plans d'épargne en tous genres, de dépôts, des portefeuilles d'actions ou d'obligations ou dans des contrats d'assurance-vie.

Pourquoi cet attachement des Français à l'épargne? Un mélange d'anxiété et d'habitudes inscrites dans notre culture semble-t-il.

"L'épargne, en France, est avant tout culturelle", estime l'économiste Pascale Hébel, du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), interrogé par l'Agence France Presse (AFP). "Il y a une inquiétude française, un tempérament moins confiant que celui des Anglo-saxons", et aussi le fait que les Français "font des enfants, plus que dans d'autres pays développés", dont ils veulent assurer l'avenir, a expliqué la chercheuse.

"L'impression d'une mesure confiscatoire"

Du coup, on comprend mieux la crispation dont la taxation de l'épargne -qui plus est rétroactive! - fait l'objet. "Toucher à ce qui a été mis de côté pour les coups durs ou pour les enfants, souvent au prix de sacrifices, c'est donner aux Français l'impression qu'ils perdent de l'argent", a analysé Pascale Hebel.

Du coup, la taxation des PEA et PEL "a produit l'impression d'une mesure confiscatoire" a noté Jacques Le Cacheux, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) auprès de l'AFP. Quant à faire appel à la bonne volonté des épargnants pour financer davantage l'économie réelle, quitte à prendre plus de risques avec leurs deniers, ou la sécurité sociale, c'est difficile, juge Mme Hébel: "Chacun épargne pour soi et se dit que l'Etat providence va pourvoir au reste".

Livret A et LDD, des placements sûrs donc stars

Jacques Le Cacheux souligne lui que les Français se portent spontanément vers des placements "sûrs et également liquides", dans lesquels ils peuvent puiser facilement en cas de coup dur, quitte à se contenter d'une rentabilité faible. Exemple: le Livret A et le Livret de Développement Durable (LDD), tous deux placements stars en France.

Reste que mettre davantage à contribution l'épargne des ménages pour procurer de l'argent frais aux entreprises demeure une intention affichée de l'actuel gouvernement. Le ministère de l'Economie entend pour cela piloter l'assurance-vie, placement fétiche des Français, lourd de plus de 1.400 milliards d'euros. Pour se faire, Pierre Moscovici a confirmé ce weekend la création de ce qu'il a appelé un "troisième pilier" de l'assurance-vie, un type de contrat davantage orienté vers les actions, qui doit être présenté en novembre.

(avec AFP)

LIRE AUSSI :

>> Épargne: les Français, ces incorrigibles fourmis

>> La fiscalité de l'épargne va-t-elle saper la confiance des ménages et des entreprises?