Pourquoi la bulle immobilière est si résistante en Ile-de-France

Par Mathias Thépot  |   |  677  mots
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La bulle immobilière francilienne n'est pas prête de dégonfler. À moins d'un cataclysme économique, les "fondamentaux" favorables au maintien des prix à un niveau élevé continueront de peser.

Si beaucoup souhaitent son explosion, la bulle immobilière qui a grossi depuis 2009 en Ile-de-France résiste. Elle présente en fait toutes les caractéristiques d'une solidité inaltérable.  Ce constat peut paraître étrange au premier abord, car les revenus des ménages et les perspectives d'emplois se dégradent en France. Ce sont en fait les effets conjugués de la rareté du foncier en Ile-de-France, des intérêts des propriétaires, des résidents et des collectivités locales, qui entretiennent une pression excessive sur la demande de logements. Ce qui maintient les prix à un niveau trop élevé, explique une note de Xavier Timbeau, économiste à la direction de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). À la fin 2012, le prix moyen au mètre carré s'élevait ainsi à 8.270 euros à Paris et à 5.510 euros en Ile-de-France.

En Ile-de-France, la population croît loin de Paris

Il faut dire que plus on se rapproche de Paris, plus l'offre de logements est rigide, alors que la demande y est très forte.  Depuis un demi-siècle, l'accroissement de population francilienne s'est ainsi opéré dans la périphérie au-delà de la zone où habitent les 6 millions d'habitants les plus proches du centre de Paris, fait remarquer Xavier Timbeau. Il ajoute que la population a crû presque exclusivement à une distance de plus de 10 kilomètres de Paris intramuros.

"Dans la couronne incluant l'hyper-centre et une bande de 10 kilomètres autour, aucune augmentation de la population n'a même eu lieu de 1962 à 2009", explique-t-il.
Cette trop faible densification n'a fait que favoriser l'étalement urbain et a entretenu la hausse des prix. 

Les résidents n'ont pas intérêt à voir croître la densification dans leur ville

Une attitude passive de l'État face à cette situation ne conduira assurément pas à dégonfler la bulle immobilière en Ile-de-France. Puisque le foncier y est rare et que les décideurs locaux ont tout à gagner à faire perdurer la situation. Les résidents en zones urbaines n'ont en effet pas intérêt à laisser la densité croître autour d'eux. "Passé un certain seuil d'agglomération, l'intérêt est de profiter d'une densité élevée mais de fermer la porte derrière soi" pour bénéficier d'un cadre de vie idyllique, indique Xavier Timbeau. C'est "le syndrome du dernier arrivé", ajoute-t-il.

Seulement ces résidents possèdent aussi un vrai pouvoir pour freiner la densification, car ils votent et peuvent contester les nouveaux projets immobiliers par différents recours.  Ces comportements rétentionnaires font croître les prix de l'immobilier et mécaniquement "la valeur patrimoniale des propriétaires, dont les intérêts se confondent avec les résidents, d'autant qu'ils sont souvent les mêmes", explique l'économiste de l'OFCE.

Un véritable "malthusianisme foncier"

Les gestionnaires des collectivités territoriales n'ont pour leur part aucun intérêt à se positionner en contradiction avec leurs administrés. Déjà, car les nouvelles populations attirées par la création foncière peuvent perturber l'équilibre politique qui a conduit à leur élection ; mais aussi parce qu'elles induisent de nouveaux coûts en matière d'infrastructures (notamment les équipements collectifs, sportifs, culturels...).  "La voie de la pénurie foncière et de la hausse des valeurs immobilières l'emporte généralement sur celle de la création foncière", résume Xavier Timbeau. C'est un véritable "malthusianisme foncier" qui habite certains résidents, propriétaires et gestionnaires de collectivités franciliens.

Un choc macroéconomique affectant la demande

Il ne faut enfin pas occulter le rôle prépondérant joué par la baisse des taux d'intérêt des prêts immobiliers depuis la crise, qui a soutenu artificiellement la demande. Sans cela, rien ne dit que les prix se seraient maintenus à un niveau aussi élevé. Il faudrait en fait un choc macroéconomique majeur affectant durement les revenus des ménages pour que la bulle francilienne dégonfle. À moins que la ministre du Logement Cécile Duflot n'arrive à agir efficacement sur l'offre de logements....