Immobilier : et si Bruxelles faisait disparaître le dispositif Duflot ?

Par Mathias Thépot  |   |  652  mots
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Dans le viseur de la Commission européenne, le dispositif fiscal "Duflot" s'appliquant en France aux logements neufs est en sursis. S'il venait à disparaître, une partie de la production de logements serait à repenser. Mais Bercy a déjà sa petite idée alternative.

L'inquiétude est de mise au ministère du Logement. La Commission européenne a en effet décidé le 30 mai dernier de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours contre la France pour "discrimination dans le domaine de la fiscalité s'appliquant à des logements neufs".
Le nouveau dispositif fiscal d'aide à l'investissement locatif pour les particuliers dit "Duflot" est tout particulièrement visé par la Commission européenne, qui juge son "traitement fiscal favorable". Selon elle, "un contribuable français qui investit dans le logement locatif dans un autre État membre de l'union européenne ne peut bénéficier de l'amortissement accéléré, et ne peut donc pas profiter de ces avantages fiscaux". 
"Dans la pratique, cela implique que les contribuables qui investissent dans des biens immeubles à l'étranger seraient davantage imposés que ceux qui investissent le même montant dans des biens immeubles situés en France", déplore la Commission. Elle considère donc que la mesure est "incompatible avec la libre circulation des capitaux, principe fondamental du marché unique de l'UE".
Le gouvernement peut s'inquiéter de cette assignation, selon le professeur de Droit à l'Université Panthéon-Assas, Hugues Périnet-Marquet, qui craint "un retour de bâton assez sérieux" pour le ministère du Logement.

Coup dur à prévoir pour les promoteurs

Il faut dire qu'en février 2011, la Commission avait déjà formellement demandé à la France de prendre des mesures spécifiques "afin de garantir le respect du droit de l'Union européenne". Le dispositif Scellier, sorte de Duflot en moins social, s'appliquait alors. Or, aucune modification n'a jusqu'ici été apportée à la législation française sur cette question, constate la Commission. Le gouvernement a en réalité davantage persisté sur la voie empruntée par la France depuis près de trente ans en créant un nouveau dispositif fiscal, semblant ignorer les remontrances de Bruxelles.
Reste qu'une éventuelle disparition du dispositif Duflot serait un sérieux coup dur pour l'industrie de la promotion immobilière, qui s'appuie depuis des années sur ce type de mesures pour faire émerger des logements. En 2013, l'objectif de construction de logements grâce au Duflot est ainsi de 40.000.
Un pic avait même été atteint en 2010 sous le Scellier, avec plus de 70.000 logements construits. Il faudrait en fait que la production soit au moins à ce niveau pour atteindre l'objectif global du gouvernement de permettre la construction de 500.000 logements en 2017.

La petite idée de Bercy pour remplacer le dispositif Duflot

Pourtant, l'administration de Bercy a déjà une petite idée derrière la tête qui pourrait compenser un éventuel retrait du Duflot.
En ce moment, un dispositif de soutien aux logements des classes moyenne dits "intermédiaires" est sur le point de voir le jour. Son coût fiscal par logement construit sera inférieur au Duflot et permettra de maîtriser davantage la production de logements. Il serait donc plus "euro compatible". 
Concrètement, il sera destiné aux investisseurs institutionnels, prévoira une baisse pour l'investisseur de la TVA à 10% et une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant 15 ans. Pour 10.000 logements, le coût fiscal de ce dispositif en élaboration serait de 240 millions d'euros, alors que pour le même nombre de logements, celui du "Duflot Particuliers" s'élève à 390 millions d'euros.
En prenant le risque de juxtaposer deux dispositifs à la finalité similaire, Bercy espère en fait déjà remplacer progressivement le "Duflot Particuliers", auquel il ne croit pas, par des avantages fiscaux sur des opérations ciblées, à son sens plus efficaces. Une annulation du Duflot par la Commission européenne ne serait donc pas une si mauvaise nouvelle.

 

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