La Garantie universelle des loyers de Cécile Duflot est en danger

Par Mathias Thépot  |   |  767  mots
Cécile Duflot, la ministre du Logement, n'avait pas prévu cette fronde de députés socialistes
Le député PS Christophe Caresche qui s’est élevé contre le projet de Garantie universelle des loyers, tel qu'il est présenté à l’Assemblée nationale, a reçu le soutien de plusieurs de ses collègues du Parti socialiste.

Examinée au parlement depuis hier, la loi sur la Garantie universelle des loyers (GUL) de la ministre du Logement Cécile Duflot a du plomb dans l'aile. Cette "sécurité sociale du logement", censée couvrir l'intégralité des propriétaires et des locataires du parc privé (6,5 millions de logements) en cas d'impayés, ne fait pas l'unanimité chez les députés de gauche. Certains redoutent la création d'un nouveau dispositif public lourd et complexe.
La garantie doit entrer en vigueur le 1er janvier 2016 et sera financée par une taxe affectée, payée équitablement par le propriétaire et le locataire, dont le taux sera inférieur à 2% du loyer. 
Le dispositif prévoit de créer une agence publique qui sera chargée d'indemniser les propriétaires. Elle délèguera l'accompagnement social lié aux impayés et la gestion des sinistres à des associations implantées localement, et à des assureurs privés qui devront remplir un cahier des charges précis. 

Le système doit-il être assumé à 100% par l'État?

Si l'idée de créer une telle loi séduit la plupart des députés socialistes, le montage du dispositif beaucoup moins. Christophe Caresche s'oppose ainsi avec véhémence à la création d'une agence publique qui se chargerait de l'intégralité des remboursements. Il dénonce "un système qui consiste à faire prendre 100% des risques par l'Etat et où les assureurs n'en portent aucun" et dans lequel "la seule chose qui est universelle est la cotisation".

Les modalités des remboursements ne sont en effet pas encore connues : un amendement du gouvernement indique qu'un décret précisera "le montant minimal d'impayés ouvrant droit à la garantie, le montant maximal de la garantie accordée pour un même logement en fonction de la localisation du logement et de sa catégorie, et la durée des versements".

Le coût exact du dispositif n'est pas encore connu

Le décret définira "également les modalités de recouvrement des impayés ainsi que les mesures d'accompagnement social en faveur des locataires dont les impayés de loyer sont couverts par la garantie". Les députés débattent donc pour l'instant à l'aveugle.
Ce, d'autant que le coût exact du dispositif pour l'Etat, qui déterminera le taux de la taxe, n'est pas encore connu. Le cabinet de la ministre a lui-même indiqué avoir besoin d'affiner ses prévisions qui s'établissent pour l'instant à entre 400 à 700 millions d'euros. Les assureurs citent pour leur part un coût d'entre 1,5 et 2 milliards d'euros. Les conseillers de la ministre assurent toutefois que le Parlement votera en connaissance de cause.  "Nous ne ferons pas voter un chèque en blanc au Parlement", rassurent-t-ils.
Mais le ministère pourrait avoir sous-estimé dans ses prévisions l'aléa moral du dispositif. "Pour quelqu'un qui aura des difficultés financières et devra réduire ses dépenses, l'arbitrage risquera de se faire au détriment du loyer", craint Chritophe Caresche. Certains locataires pourraient ainsi profiter d'un effet d'aubaine aux frais de l'État. "Nous sommes en train de créer la sécurité sociale des impayés de loyers. Nous ne sommes pas en Union soviétique ! L'État n'a pas les moyens de faire cela", invective-t-il.

D'autres députés socialistes s'interrogent

Les efforts du député de Paris pourraient ne pas être vains. Il trouve plusieurs oreilles attentives auprès ces collègues du parti socialiste. Dans le Figaro, le patron des députés PS, Bruno Le Roux, a ainsi admis que "la question de Christophe Caresche n'est pas une question sur laquelle on dit "circulez, il n'y a rien à voir"". De même, le porte-parole du groupe PS, Thierry Mandon, considère que la GUL "peut produire le meilleur - en dispensant les locataires de caution -, ou le pire - en déresponsabilisant les locataires de mauvaise foi", ajoutant qu'il est "tout à fait d'accord avec Caresche" sur la nécessité d'"associer les assurances et leur savoir-faire" à ce nouveau risque. Razzy Hammadi (PS, Seine-Saint-Denis) juge enfin "inconcevable que l'on étatise une garantie là où un partage des risques plus équitable peut se faire par une assurance obligatoire".
L'adoption du volet de cette loi par le parlement ne sera donc pas un long fleuve tranquille pour le gouvernement, d'autant que l'opposition y est farouchement opposée. Et si d'aventure, l'Assemblée donnait un avis favorable à la GUL telle qu'elle est présentée aujourd'hui, il faudra alors convaincre le Sénat, où la majorité gouvernementale ne tient qu'à un fil.