Loi Duflot : les sénateurs cèdent face aux maires sur une mesure clef

Par Mathias Thépot  |   |  568  mots
Les sénateurs veulent que les maires puissent garder leurs prérogatives en matière d'urbanisme, donc de construction
Prévu dans la loi Duflot, le transfert des compétences des maires aux intercommunalités en matière d’urbanisme a été retoqué avant l’examen du projet de loi au Sénat.

C'est l'une des mesures les plus importantes de la loi sur le logement (Alur) de Cécile Duflot qui est sur le point d'être remaniée en première lecture au Sénat. Avant l'examen en séance cette semaine, la Commission des affaires économiques de la chambre haute a en effet sérieusement modéré l'article 63 de la loi relatif à la réforme du plan local de l'urbanisme (PLU), le principal document à disposition des élus pour définir leur politique du logement. Certes, il est toujours question qu'il soit à l'avenir élaboré au niveau intercommunal et non plus au niveau communal, mais cette option sera conditionnée à l'aval des maires.

Les sénateurs tiennent à 95% leur élection aux conseillers municipaux

Beaucoup d'entre eux, notamment les maires des territoires ruraux, craignaient en fait de perdre leurs prérogatives. Face à cette fronde, les sénateurs, dont l'élection tient pour beaucoup aux voix des conseillers municipaux, ont abdiqué partiellement. Claude Bérit-Débat, corapporteur (PS) du projet de loi Alur, a ainsi fait adopter en commission un amendement qui instaure une minorité de blocage : le transfert de compétence aura lieu, sauf si un quart des communes représentant 10 % de la population s'y oppose.

Un autre amendement prévoit que le transfert de compétence interviendra trois ans après la publication de la loi. "Cela laissera aux intercommunalités et aux équipes municipales le temps de préparation nécessaire", justifie le sénateur de Dordogne au Monde.

8% des intercommunalités utilisent le PLUI jusqu'ici

Cette "minorité de blocage" aux maires présente un réel risque puisque le PLUI, qui existe déjà, n'a quasiment pas permis aux intercommunalités de s'imposer : jusqu'ici, il n'est qu'une "option que seules 8% des intercommunalités utilisent", rappelait ainsi Cécile Duflot au moment de la présentation de son projet de loi en juin dernier.

Certains maires craignent de construire trop

La portée du transfert des compétences d'urbanisme est pourtant décisive. Une telle mesure peut permettre de pérenniser un état vertueux sur le marché du logement, qui a besoin de politiques d'urbanisme plus efficaces, notamment dans les zones où les besoins en logements se font le plus sentir.
Car les comportements malthusiens de certains maires qui craignent de construire trop sont légion. De peur de se faire sanctionner aux prochaines élections par leurs administrés, ils rechignent parfois à alimenter l'offre de logements. Il arrive même que certains maires préfèrent attirer les entreprises qui paient plus d'impôts locaux, que les ménages qui demandent davantage de dépenses d'infrastructures. Bref, élaborer le PLU au niveau intercommunal permet de mieux lier bassin d'emplois et logements.

Les sceptiques montent au créneau

Avec ce revers, la ministre du Cécile Duflot risque  de perdre une occasion de faire taire les plus sceptiques sur sa loi, qui réclament de s'attaquer à la pénurie de logements plutôt que d'encadrer et de garantir les loyers.
C'est le cas de la Fédération des promoteurs immobiliers qui a réagi à l'adoption des amendements en commission, en insistant sur le fait que "la solution à la pénurie du logement réside notamment dans la cohérence et la mise en commun des politiques locales d'aménagement, dont l'intercommunalité est la clé et dans la généralisation des outils d'un urbanisme moderne et prospectif en zone urbaine".