Logement : le think tank de Matignon tacle la loi Duflot

Par Mathias Thépot  |   |  785  mots
Cette note fort critique tombe alors que la loi Duflot est examinée en première lecture au Sénat
L’encadrement et la garantie des loyers doivent être aménagés, estime une note du Conseil d’analyse économique (CAE) car en l'état, ces mesures seront peu efficaces et coûteuses.

Nouvelles critiques envers le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de la ministre Cécile Duflot. Mais cette fois-ci, elles viennent de son propre camp : le Conseil d'analyse économique (CAE), think tank du gouvernement,a en effet publié une note sur la politique du logement locatif qui estime que la garantie universelle des loyers (GUL) est à revoir et que l'encadrement des loyers sera inefficace. Ces deux mesures phares de la loi Alur viennent en parallèle d'être votées au Sénat en première lecture.

L'encadrement des loyers n'est pas un instrument adéquat

Pour les économistes Alain Trannoy et Étienne Wasmer, qui ont rédigé la note, "l'encadrement des loyers n'est en général pas considéré comme un instrument adéquat car il entre en conflit avec l'objectif d'efficacité". Selon les deux économistes, cette mesure va réduire la qualité du parc locatif privé. Car les logements dont les loyers sont trop élevés devront être rabaissés, ce qui incitera leurs propriétaires à les retirer du marché, faute de rentabilité locative suffisante.

Résultat, l'absence de ces logements aux meilleures qualités portera atteinte à la qualité globale du parc. Pour maintenir ces logements dans le parc locatif privé, l'État sera ensuite incité à accorder des avantages fiscaux aux bailleurs pour qu'ils retrouvent leur rentabilité locative d'antan, ce qui entraînera un coût supplémentaire pour les finances publiques.


En outre, la détermination du loyer médian, qui fixe le niveau de loyer à ne pas dépasser par quartier et par habitation, risque de ne pas être assez précise. "La taille des échantillons envisagés (5 000 observations sur Paris, 25 000 sur la Région parisienne) ne permet pas de tenir compte du grand nombre de caractéristiques pertinentes au sein d'un même quartier", jugent Messieurs Trannoy et Wasmer. Ce qui fera perdre de la cohérence au dispositif.  

Instaurer une flexi-sécurité du logement

La note du CAE égratigne également l'autre mesure phare de la loi Alur : la GUL (Garantie Universelle des Loyers).

"Pour que cette réforme porte ses fruits en termes d'accès au logement locatif privé, tout en évitant une augmentation des impayés qui rendrait le système instable financièrement, elle doit aller jusqu'au bout de la logique en instaurant une véritable flexi-sécurité du logement", indique ainsi la note du CAE.

Ce tournant est régulièrement réclamé par les associations de propriétaires. La flexisécurité du logement aurait pour but d'assouplir des règles en matière de baux, ce qui permettrait aux propriétaires de récupérer plus facilement leur bien. Ce, tout en renforçant en parallèle le droit au logement opposable (DALO) qui permet à toute personne qui a effectué une demande de logement et qui n'a pas reçu de proposition adaptée à sa demande d'exercer un recours devant le tribunal administratif.

Limiter le risque d'impayé

Pour le CAE, il est également impératif de limiter le risque d'impayé. Or, en l'état, la GUL n'incite pas l'État à se presser pour gérer les conflits et indemniser les propriétaires victimes d'impayés. "Cette situation renforce les craintes des bailleurs de devoir attendre longtemps avant de retrouver la jouissance du bien loué", indiquent les deux économistes. En conséquence, le risque est que "l'offre de logement se contracte, ce qui fait augmenter les loyers et renforce le problème des impayés", ajoutent-ils.

Acceptant le choix du gouvernement "de socialiser l'assurance à travers la GUL", les deux experts jugent cependant "qu'il faut aller jusqu'au bout de la logique de socialisation en faisant en sorte que la puissance publique internalise le coût lié aux impayés". Pour éviter que les impayés ne s'envolent, faute de réactivité suffisante, ils prônent de s'appuyer sur une Régie du logement qui se chargerait de la résolution des conflits entre locataires et propriétaires, tout en continuant à assurer le paiement des loyers aux propriétaires.

Éviter la gestion molle des impayés


En s'appuyant sur les cotisations de la GUL, l'État refinancerait pour sa part la Régie, avec une décote pour le service rendu. Devenant créancier en dernier recours, il aura donc tout intérêt à ce que les impayés soient les plus faibles possibles sur la durée, et donc à agir vite. Le but est ici clairement "d'éviter la gestion molle des impayés", explique Alain Trannoy, pour rassurer les propriétaires bailleurs. 

Pour le moins incisive, cette note du CAE tombe-t-elle bien alors que les discussions parlementaires sur le projet Duflot sont déjà bien entamées...?