Les banques veulent contrer la réforme de l'assurance emprunteur

Par Ivan Best  |   |  707  mots
Comme les autres banques, le Crédit agricole propose des assurances-emprunteurs liées à l'achat d'un bien immobilier
Elles veulent conserver la mainmise sur ce marché particulièrement rémunérateur de l'assurance liée aux emprunts immobiliers. Les marges y atteignent pour elles jusqu'à 50%

L'assurance emprunteur (obligatoire pour l'achat d'un bien immobilier) fonctionne bien aujourd'hui, et les acheteurs ne souhaitent pas qu'on y touche : tel est le message de la Fédération bancaire française, qui s'appuie sur un sondage, réalisé dans le cadre de l'Observatoire des crédits aux ménages.

Il s'agit aujourd'hui pour les banques de contrer la réforme décidée par le gouvernement dans le cadre de la loi Hamon sur la consommation, encore en discussion au parlement : elle prévoit que les acheteurs d'un bien immobilier pourront remettre en cause et renégocier l'assurance emprunteur fournie par leur banquier, pendant une durée d'un an après la conclusion du prêt.

Un enjeu de taille

Il est vrai que l'enjeu est de taille, pour la profession bancaire. Sur une assurance emprunteur au coût annuel de 500 euros, la banque réalise une marge de 250 euros. Un taux de 50%, qui assure globalement aux banques 3 milliards d'euros de cash supplémentaire chaque année.

Le sondage indique que la plupart des acquéreurs actuels ou futurs d'appartements ou maisons connaissent l'existence de cette assurance (près de 80% d'entre eux). Il indique également que sur 100 personnes ayant souscrit un emprunt depuis septembre 2010, depuis que la loi Lagarde donne la possibilité de choisir son assureur, 62,7% ont opté pour l'assurance proposée par la banque, « sans chercher d'autres solutions », tandis que 16,2% ont cherché ailleurs mais ont finalement choisi l'organisme suggéré par le banquier, et que 21,1% ont préféré un assureur « alternatif », non proposé par l'établissement bancaire.

Des clients satisfaits?

La preuve que les clients sont satisfaits par les produits proposés, suggère l'économiste Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université de Paris Ouest, qui présentait le sondage à la presse ce vendredi matin. En, outre, interrogés sur la réforme en cours, 84,5% des sondés s'y montrent peu favorables, estimant qu'elle « va rendre plus difficile l'accession à la propriété. Mais la question posée tend à induire la réponse. Elle est formulée ainsi: « Aujourd'hui, … les contrats se fondent sur le partage et la mutualisation des risques entre les différents profils des emprunteurs. La décision de rendre possible le changement d'assurance-emprunteur pendant le remboursement du prêt entraînera une modification du marché de l'assurance actuel… ».

 Une minorité de clients va voir ailleurs

Le sondage confirme donc qu'une faible minorité d'acheteurs d'immobilier opte pour une assurance-emprunteur non proposée par la banque. Ce qui ne fait aucun doute : selon les statistiques officielles, seuls 15% des clients ont recours à cette alternative.

La question qui peut se poser est : pourquoi ? Parce que les offres alternatives ne sont pas intéressantes ? Comment imaginer que des acteurs de l'assurance ne voudraient pas s'engouffrer dans un marché aussi profitable, en proposant des tarifs inférieurs ? En fait, c'est bien le cas, il est possible de trouver des prix d'assurance très avantageux. Selon Isabelle Tourniaire, du cabinet conseil BAO, spécialisé sur ce sujet, « les tarifs proposés par les assureurs alternatifs (non liés à la profession bancaire) peuvent être jusqu'à trois fois moins élevés que ceux des banques, pour des clients jeunes ». A mesure que l'on s'élève dans l'âge de l'emprunteur, les prix convergent, tout en restant souvent intéressants. La Maif associée à la MGEN peaufine d'ailleurs des offres aux tarifs très attractifs. Pour une majorité de clients, l'intérêt bien compris serait de choisir une autre offre que celle proposée par le banquier.

Des banquiers "convaincants"

 Pourquoi ne le font-ils pas ? « Le fait est assez connu, des enquêtes ont eu lieu, réalisées par des organismes de défense des consommateurs, avec l'aide de « visites mystères » : les banquiers savent se montrer convaincants » souligne Isabelle Tourniaire.

Autrement dit, les pressions sont fortes sur les clients pour faire le choix de l'assureur « maison ». En cas de doute, le taux d'intérêt du prêt, contractuel, et qui repose sur une négociation, peut alors être remis en cause… En outre, la procédure consistant à aller souscrire ailleurs est bien sûr source de complications.

A l'évidence, la concurrence n'est pas totalement « libre et non faussée », sur le marché de l'assurance emprunteur.