Immobilier : l'Etat veut la densification urbaine, les Français non

Par Mathias Thépot  |   |  589  mots
Les densités résidentielles se plafonnent en général autour de 4.000 habitants au kilomètre carré.
Depuis 40 ans, les Français refusent la densification à outrance et préfèrent s'éloigner des centres-villes pour des raisons économiques et de confort, assure un consultant urbain. L’entêtement de l’État à aller à l'encontre de cette volonté ne fait qu'empirer la situation, selon lui.

La lutte contre l'étalement urbain serait-elle un leurre ? Pouvoirs publics, architectes et urbanistes s'entendent en effet sur la nécessité de densifier, de "renouveler la ville sur elle-même". Mais ces concepts ne sont-ils pas déconnectés de la réalité ? C'est ce qu'avancent (sans surprise) les constructeurs de maisons individuelles (UMF) ainsi que les aménageurs et lotisseurs (Snal). Ils sont rejoints sur ce point par le consultant urbain Olivier Piron, qui milite pour que l'impact des politiques d'aménagement sur les habitants soit pris en compte en priorité.

Les français ne veulent pas de la densité

Pour M.Piron, l'erreur fondamentale des tenants de la densification est qu'ils vont à l'encontre des besoins de la majorité de la population. En effet, durant les quarante dernières années, les Français ont toujours été réticents à s'installer dans des villes trop denses (plus de 2500 habitants par km2). Celles-ci n'ont en fait absorbé que 8,5% de la croissance de la population française depuis 1968, selon les calculs du consultant.
In fine, les densités résidentielles se plafonnent autour de 4.000 habitants au km2 "dans les communes qui se densifient en régions, ainsi que les grandes opérations d'urbanisation comme les villes nouvelles", note Olivier Piron.
"Les communes au-dessus de ce seuil ont tendance à perdre de la population. Ceci prouve que l'étalement urbain n'est pas un problème, mais une solution", ajoute-t-il.

Des exigences croissantes en matière de confort

L'explication de ce phénomène tient en premier lieu dans les exigences croissantes des habitants en matière de logement et de mode de vie. Les familles souhaitent notamment vivre au sol, avec des espaces verts, des commerces et de écoles à proximité. "Cette demande est forte, voire décisive, et entendue par les maires" note Olivier Piron. Les élus sont en effet bien conscients de ce qu'ils pourraient perdre à trop densifier. Résultat, "les habitants choisissent en quelque sorte la densité dans laquelle ils habitent".

Une équation économique insoluble en ville

Au-delà des exigences de confort des ménages, l'aspect économique joue également un vrai rôle dans l'étalement urbain. En effet dans les villes denses, le foncier se fait rare et cher. Il est donc compliqué pour les promoteurs de sortir des logements à prix ordinaires.
Et même en prenant le seul coût du bâtiment (hors foncier et TVA), de multiples charges supplémentaires viennent "annihiler assez vite la possibilité d'amortir des dépenses de construction" dans les villes denses, remarque Olivier Piron. Il y est effectivement plus difficile de gérer le voisinage, les démolitions, les évacuations des déchets, la création de parkings souterrains etc… car tout se fait en espace réduit. 
Selon Christian Louis-Vincent, président du l'Union des maisons de France (UMF), la densification pourrait pourtant être la solution idoine pour un certain nombre de ménages (célibataires, jeunes actifs...), "si tant est que la vérité économique des logements leur soit adaptée". Ce qui n'est pas le cas.

Le fantasme de l'étalement urbain

Bref, Olivier Piron, Christian Louis-Vincent et Roger Bellier, président du Syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal) demandent aux pouvoirs publics de revoir leur perception de l'urbanisme et d'évaluer les comportements des populations avant d'opérer des restrictions d'espace. Jusqu'alors "L'État s'évertue au nom du fantasme de l'étalement urbain à organiser la pénurie foncière", juge sévèrement M.Piron. Ce qui accentue même selon lui les situations de mal-logement.