L’encadrement des loyers sera-t-il efficace ?

Par Mathias Thépot  |   |  599  mots
Les loyers ne pourront plus excéder 20% du loyer médian du quartier à la relocation.
Promesse de campagne présidentielle de François Hollande, la mesure sur l’encadrement des loyers ne plait pas aux professionnels de l'immobilier. Même s'il y aura une possibilité pour certains propriétaires-bailleurs de contourner le dispositif.

C'était dans l'engagement numéro 22 de François Hollande durant sa campagne : "Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d'encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou à la relocation". Près de deux ans après l'élection du président socialiste, l'encadrement des loyers a été transposé dans la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), promulguée le 26 mars 2014 au journal officiel. Mais elle a beau être une promesse présidentielle, cette mesure déplait fortement à la grande majorité des professionnels de l'immobilier qui y voient une remise en cause des libertés des propriétaires-bailleurs.

Un loyer plafond fixé à 20% au dessus du loyer de référence du quartier

Concrètement, la loi prévoit d'encadrer les loyers dans les villes de plus de 50 000 habitants "où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant". Les loyers ne pourront plus dépasser 20% du loyer médian de référence du quartier, à type de bien équivalent. Pour déterminer le niveau du loyer médian, les pouvoirs publics s'appuieront sur des Observatoires de loyers locaux.

Le Conseil constitutionnel ouvre une brèche

Insatisfaits, des parlementaires Français de droite -surement motivés par la récente décision de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a condamné la Slovaquie pour son système d'encadrement des loyers- ont saisi le Conseil constitutionnel français sur cette partie de la loi Alur. S'ils n'ont pas obtenu gain de cause, un assouplissement des conditions concernant le complément de loyer a tout de même été acté par les Sages.
En effet, les propriétaires-bailleurs pourront au final appliquer un complément de loyer au-delà de 20% du loyer médian, si le logement qu'ils louent présente "des caractéristiques de localisation ou de confort par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique", peut-on lire dans le dossier législatif.

Une bonne nouvelle pour les propriétaires

Certes, des précisions sur ces "caractéristiques de localisation ou de confort" sont attendues par décret en Conseil d'État, mais le risque existe que des propriétaires-bailleurs contournent l'encadrement en survalorisant la qualité du bien, au moyen de ce complément de loyer.
Pragmatique, le président de l'Institut du management des services immobiliers (Imsi), Henry Buzy-Cazaux, estime que cette décision du Conseil constitutionnel reste malgré tout "une bonne nouvelle pour les propriétaires, sans être une trop mauvaise nouvelle pour les locataires".

En effet, "d'un côté, elle donne la possibilité à un propriétaire-bailleur de bonne foi d'appliquer un complément de loyer au-delà des 20% si son bien est de qualité. Et de l'autre, elle ne met pas à bas l'édifice voté par le Parlement visant à encadrer des loyers. La philosophie de l'engagement présidentiel reste sauve", explique-t-il.

Satisfaire la frange libérale

Autrement dit, "ce dispositif conserve sa vocation qui est de sanctionner et de censurer les abus ; tout en satisfaisant la frange libérale des acteurs de l'immobilier qui voyait le texte initial trop contraignant", indique Henry Buzy-Cazaux.
Ce dernier fait, enfin, confiance aux professionnels de l'immobilier pour conseiller de manière avisée les propriétaires-bailleurs. Car s'obstiner à fixer des loyers trop élevés peut souvent aboutir à un accroissement des impayés et des dégradations dans le logement.