Pourquoi les agents immobiliers doivent mieux considérer les locataires

Par Mathias Thépot  |   |  679  mots
50% des locataires du secteur privé consacrent plus de 27% de leur budget pour se loger. (Photo : Reuters)
Trop d'agents immobiliers négligent les relations humaines avec les locataires. A l'avenir, ils ont tout à gagner à les améliorer.

Clairement pas en position de force sur les marchés tendus, les locataires - 40% des ménages en France - subissent parfois la condescendance de professionnels de l'immobilier qui ne les considèrent pas comme des clients à part entière. Une situation qui peut être difficile à accepter au regard des montants importants déboursés pour se loger.
Il n'y a qu'à voir les déclarations lors d'une conférence de presse le 14 janvier dernier du président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), Jean-François Buet - pourtant loin d'être le plus dédaignant de la place vis-à-vis des locataires - qui définissait les clients de ses adhérents comme étant "les acquéreurs et les vendeurs" ; et oubliant presque que les locataires paient des frais aux agents immobiliers pour un service rendu… 

Le locataire est perçu comme un flux financier...

"C'est très clair, le regard du professionnel se porte d'abord sur le propriétaire. Le locataire du secteur privé a été le parent pauvre de la relation locative ces dernières années", confirme ainsi Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers (Imsi) et expert reconnu du secteur de l'immobilier. "Souvent, seul le client qui a donné mandat à l'agent immobilier est considéré", s'inquiète-t-il. Le locataire est alors perçu uniquement comme une source de revenu financier, "au détriment de l'humain", regrette-t-il.

... pour toute sa vie ?

Du reste, ce constat pose deux problèmes majeurs : le premier est qu'avec la crise économique, de plus en plus de locataires voient s'éloigner la perspective d'accéder à la propriété là où ils le souhaiteraient. La location n'est plus un rite de passage dans le cadre d'un parcours résidentiel aboutissant à la propriété immobilière, mais bien un moyen d'occuper son logement sur la durée. De surcroît, la moitié des locataires du secteur privé consacrent plus de 27% de leur budget à leur logement. Il devient donc d'autant plus difficile pour les locataires d'accepter d'être dévalorisés à cause du seul statut d'occupation de leur logement.

Pas étonnant dans ce contexte que la fracture s'accroisse entre une partie de la population et les agents immobiliers. Ces derniers regrettant par ailleurs, et souvent à juste titre, les critiques systématiques à leur endroit.

Désormais, être locataire est "devenu un vrai statut sur la durée. On a mis trop de temps à le constater", regrette Henry Buzy-Cazaux. "À un moment donné, il faut reconnaître que certains professionnels s'égarent", ajoute-t-il.

La loi Alur donne plus de pouvoir aux locataires

Le second problème posé par la dévalorisation du locataire est plus concret pour les professionnels de l'immobilier. En effet, dès que la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), récemment votée au parlement, s'appliquera, les locataires auront davantage de moyens pour contester les abus.

Si au regard de leur pouvoir de négociation très défavorable dans les zones tendues, il y a fort à parier qu'ils ne se risqueront pas à contester... sauf dans certains cas. Henry Buzy-Cazaux constate ainsi que les locataires se satisfont de leur situation dans des logements chers et petits à condition "que la relation humaine avec le professionnel et/ou le propriétaire, ainsi que la qualité du logement soient bonnes". Les agents immobiliers exerçant dans les zones tendues auront donc tout intérêt, dans un cadre préventif, à mettre l'accent sur l'humain pour éviter les désagréments des commissions de conciliation.

Plus de locataires agents immobilier ?

Dans son institut qui forme notamment de futurs agents immobiliers, Henry Buzy-Cazaux travaille pour sa part sur le profil de ses étudiants. Il s'attache à former à la profession immobilière "davantage de fils et de filles de locataires, que de fils et de filles de grands propriétaires ; ainsi que moins de profils fortunés et plus d'étudiants provenant de milieux modestes". Un moyen assurément plus efficace pour améliorer durablement les relations entre les locataires et les professionnels de l'immobilier.