Immobilier : haro sur la loi Duflot !

Par Mathias Thépot  |   |  650  mots
La garantie universelle des loyers pourrait ne jamais voir le jour
Depuis le départ de Cécile Duflot, les professionnels de l’immobilier font pression pour vider de sa substance la loi Alur votée en mars par le Parlement et que l’ancienne ministre du Logement avait portée. Il semble que cela commence à payer.

Est-ce bien surprenant ? Cécile Duflot débarquée du gouvernement en avril dernier, il n'aura semble-t-il fallu aux professionnels de l'immobilier et de la construction que deux mois pour convaincre le nouveau gouvernement de détricoter la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), adoptée par le Parlement le 26 mars dernier.
Trop dépendante de plus de 200 décrets d'application fondamentaux qui se font attendre, la loi Alur devrait être vidée de sa substance par le nouveau gouvernement, même si celui-ci a démenti cette information.

Il aura en fait suffi que Cécile Duflot s'en aille pour que les requêtes des professionnels du secteur soient prises en considération. A son départ, plusieurs professionnels de l'immobilier déclaraient d'ailleurs en coulisse qu'il leur serait désormais plus aisé d'imposer leurs réformes avec la nouvelle ministre du Logement, Sylvia Pinel, car Cécile Duflot et ses équipes "imposaient un vrai débat idéologique", se souvient l'un d'entre eux.

L'offre de logements au centre des priorités de Sylvia Pinel

Dès son intronisation rue de Varenne, Sylvia Pinel a d'ailleurs inversé l'agenda de son prédécesseur, en replaçant l'offre de logements au centre des priorités. Une ligne plus en phase, selon certains, avec les promesses électorales du président François Hollande de relancer la construction grâce à 500.000 nouveaux logements par an.

Cette posture sied davantage aux professionnels de l'immobilier qui s'étaient élevés unanimement contre les deux mesures phares de la loi Alur : l'encadrement des loyers, soit dit en passant une promesse de campagne de François Hollande, et la garantie universelle des loyers (GUL). Cette dernière ayant été sérieusement modifiée dans le cadre du débat démocratique au Parlement, puisque sa dernière version retenue n'était qu'optionnelle.

La GUL, un boulet législatif

Du reste, le risque est grand que la GUL ne voit tout simplement jamais le jour, car son application n'est prévue que pour le 1er janvier 2016 et que l'on attend encore des décrets importants qui sont censés fixer son champ d'application. Selon le député PS Christophe Caresche, le gouvernement songe désormais à revenir sur cette "GUL" que le parlementaire définit lui-même comme "un boulet législatif". "Il est prévu que la GUL soit financée sur des fonds publics, mais l'Etat n'est plus aujourd'hui en capacité de dégager une marge supplémentaire pour ce type de dispositif ", expliquait-il ce matin lors d'un colloque sur le logement organisé par l'agence de presse AEF.

L'encadrement des loyers favoriserait les riches...

Concernant l'encadrement des loyers, les Echos ont révélé mercredi que les pouvoirs publics songeraient à laisser aux collectivités locales la décision d'appliquer le dispositif et d'endosser la responsabilité de ses possibles effets pervers. En effet, le gouvernement aurait pris conscience des risques de cette mesure, "il a très peur que le loyer faible d'un retraité locataire de longue date augmente de 10% et que le loyer du trader payant cher une location de standing baisse", assure un professionnel du secteur aux Echos.

Mais cet argument ne tient pas, selon la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann. Coûte que coûte, "il faut mettre en œuvre ce dispositif d'encadrement des loyers", demande-t-elle, pour donner un peu d'air aux locataires qui consacrent une par trop importante de leur revenus pour se loger. Et "si des dysfonctionnements comme ceux qui sont évoqués apparaissent, il ne sera alors pas difficile de faire un ajustement législatif pour les supprimer", ajoute-t-elle.

La sénatrice socialiste est une des rares à se battre pour la survie du dispositif. Et s'il advenait qu'il soit supprimé, on sera tenté de paraphraser le président de la Fédération national de l'immobilier (Fnaim) Jean-François Buet : "tout ça pour ça"...