Logement  : les Français ont-ils le sens du bien commun  ?

Par Mathias Thépot  |   |  650  mots
Les maires bâtisseurs sont souvent battus aux élections municipales.
La crise de la construction de logements, notamment sociaux, provient en partie de l'opposition des maires à certains projets pour ne pas brusquer leurs administrés. Inquiétante, cette situation risque-t-elle de durer ?

Le secteur du logement social a été durement affecté en 2014 par les élections municipales. Les multiples changements de bord politique qui se sont opérés se sont en effet accompagnés de remises en question de programmes de logements, et notamment de logements sociaux. Ce sont ainsi plusieurs milliers de logements conventionnés qui ne verront pas le jour cette année. Le chiffre de 95.000 mises en chantier en 2013 donné par l'Union social pour l'habitat ( USH) lors du congrès HLM de Lyon -qui vient de s'achever- ne sera pas atteint en 2014. Alors même que les objectifs nationaux sont de 150.000 constructions annuelles de logements conventionnés.

Ne pas déplaire aux administrés

Si certains maires reviennent autant sur des opérations actées par leurs prédécesseurs, c'est avant tout parce qu'ils veulent plaire à leurs électeurs, qui sont désormais leurs administrés. En effet, ceux-ci assimilent en général toute construction nouvelle "à une perte de qualité de vie", explique un maire de région parisienne, avant d'ajouter qu'il constate "une évolution assez problématique des mentalités : la peur de l'arrivée de l'autre s'accentue ; et le sens du bien commun est un peu plus atténué chez un certain nombre de nos concitoyens qu'il ne l'était il y a quelques années".

De fait, les maires ont un rôle de pédagogie pour que chacun accepte l'effort national de construction. Car plus qu'avant "il faut de la ténacité" pour faire accepter aux habitants qu'il est nécessaire de construire dans leur ville, indique ce même maire. Les élus se doivent d'expliquer cette nécessité. "Les maires, en ne voyant pas plus loin que la durée de leur mandat, ne peuvent pas être le réceptacle des égoïsmes et des comportements individualistes !", invectivait jeudi 25 septembre Stéphane Peu, président de Pleine Commune Habitat au congrès HLM de Lyon. Dans le cas contraire, la crise de la construction que vit le mouvement HLM risque de perdurer.

Utiliser des mots différents pour définir le logement social ?

Ne serait-ce que dans l'utilisation des mots pour définir le logement pour tous, des progrès sont sûrement à faire, y compris au niveau des institutions : "Par exemple, il serait préférable de parler de logement public plutôt que de logement social,", explique Stéphane Peu. Il y a aussi la notion de mixité, notait l'urbaniste Xavier Desjardins lors de ce même congrès. "C'est le mot clé depuis le début des années 1990. Or on peut se demander en observant les comportements résidentiels ou scolaires, si les gens acceptent réellement cette notion de mixité. De même avec les comportements électoraux où l'on constate clairement une défiance" vis-à-vis de ce concept, juge-t-il.

Du reste, la société a peut-être déjà basculé dans un nouveau paradigme évoquait le vice-président du Grand Lyon Olivier Brachet lors du congrès HLM. "N'y a-t-il dans la société française une envie de figer un peu les choses ? (en matière de construction de logements, notamment sociaux, ndlr)". La vision de progrès telle qu'elle est perçue par les décideurs Français aujourd'hui "n'est-elle pas remise en cause ?", s'interroge-t-il aussi. De quoi reconsidérer, envisage-t-il, "la vitalité économique des agglomérations".

Tout le monde est concerné

De son côté Stéphane Peu est à l'inverse convaincu que l'envie de voir augmenter l'offre de logements à prix abordables est intacte chez les Français. Elle est même croissante selon lui ... mais pour des raisons individualistes. "Ces dernières années, la crise du logement s'est étendue à l'ensemble des couches de la société". Résultat: tout le monde se sent concerné. L'idée d'une France peuplée de riches propriétaires est désormais bien loin de la réalité.