Fiscalité immobilière : Valls fait-il sauter tous les verrous ?

Par Mathias Thepot  |   |  836  mots
Les inégalités patrimoniales vont-elles croître ?
Les nouvelles mesures fiscales en faveur de la construction qui vont être discutées au Parlement risquent, par leur nature éphémère, d’avoir des effets pervers sur l'économie, estime un économiste de l’OFCE.

Manuel Valls aurait-il annoncé trop de cadeaux fiscaux dans l'immobilier ? Ce n'est en tout cas pas l'avis des professionnels de la construction qui se sont félicités des mesures promises fin août par le premier Ministre, et qui vont être examinées dans les prochains jours par le Parlement dans le cadre du vote de la loi de finances 2015.

Il devrait notamment être acté le remplacement du dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif « Duflot » par le « Pinel », du nom de la nouvelle ministre du Logement. Le but est ici de redynamiser les ventes de logements neufs aux investisseurs privés qui ont atteint sur l'année 2013 leur plus bas niveau depuis 2001.
Si, en apparence, le « Pinel » est très similaire au « Duflot » (plafonds de loyers, de ressources, et d'investissement inchangés), il a tout de même été, semble-t-il, "favorablement accueilli par les promoteurs immobiliers et les investisseurs", remarque sur son blog Pierre Madec, économiste à l'OFCE. Pourtant "les rendements attendus ne devraient pas être supérieurs à ceux de son prédécesseur", juge-t-il.

Restaurer la confiance des investisseurs...

Les acteurs de l'immobilier voient en fait dans la création du « Pinel » un moyen de restaurer la confiance des investisseurs par le biais de trois nouveautés importantes du dispositif.
D'abord -la plus irrationnelle- son changement de nom. Primordial tant le monde de l'immobilier semble rejeter les positions de l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot.
Ensuite, la possibilité, beaucoup plus concrète, donnée aux investisseurs de louer à leurs ascendants ou à leurs descendants, une demande ancienne que le gouvernement a satisfaite. En effet "l'incertitude liée aux revenus locatifs est davantage acceptée lorsque le locataire est un parent ou un enfant, que quand il est un tierce personne", expliquait le PDG du promoteur Kaufman & Broad, Nordine Hachemi.
Enfin le droit de louer pour un délai de seulement 6 ans tout en bénéficiant d'un avantage fiscal est très bien accueilli. Cette nouvelle mesure est très "intéressante pour les ménages qui sont à quelques années de la retraite et qui investissent dans des zones tendues pour avoir un pied-à-terre après l'arrêt de leur activité", ajoute-t-il.

...au détriment de la location à prix abordables ?

En revanche, pour l'économiste de l'OFCE Pierre Madec, "ces aménagements rendent ce « Duflot revisité » assez critiquable".

En effet "l'objectif de développer un parc de logements intermédiaires, suffisant pour loger des classes moyennes incapables d'assumer dans les zones les plus tendues les loyers du marché locatif privé mais non prioritaires dans le parc social classique, est remis en cause par ces ajustements puisque le propriétaire peut désormais retrouver la pleine possession de son bien après 6 ans, soit l'équivalent de deux baux", explique-t-il.

Le prêt à taux zéro, un vieux marronnier gouvernemental

En parallèle, pour augmenter la solvabilité des primo-accédants, l'élargissement du prêt à taux zéro dans le neuf a été annoncé. "Un vieux marronnier gouvernemental" selon l'économiste de l'OFCE, mais une question se pose : ce nouveau PTZ va-t-il accroître artificiellement la production de prêts immobiliers, créant comme jadis des effets d'aubaine, ou bien augmenter réellement la solvabilité d'un plus grand nombre de ménages ?
Ce débat est plus que jamais d'actualité en cette période où au niveau macro-économique, la priorité est donnée à l'équilibre des comptes publics, et où au niveau du seul secteur du bâtiment, la chute nombre de primo-accédants à la propriété immobilière génère de grandes difficultés.

Un risque d'accroître les inégalités patrimoniales ?

Par ailleurs, le risque de voir les inégalités patrimoniales s'accroître avec les mesures Valls existe. Que ce soit, comme déjà évoqué, par le biais de l'ouverture du dispositif « Pinel » aux enfants et aux petits enfants, mais aussi avec le nouvel abattement de 100.000 euros pour les donations réalisées jusqu'à fin 2016, et par l'abattement exceptionnel supplémentaire de 30% sur les plus-values de cession de terrains à bâtir possible jusqu'à la fin 2015.
L'augmentation des inégalités patrimoniales est du reste "déjà à l'œuvre depuis plusieurs années sur le marché de l'accession", remarque l'économiste de l'OFCE, qui s'interroge aussi sur le fait que ces mesures n'aient "pas vocation à perdurer, et ce alors même que l'incertitude fiscale qui pèse sur les investisseurs est avancée par ces derniers comme la raison principale du moindre attrait du marché immobilier neuf...".

De fait, « le pragmatisme économique » désormais systématiquement évoqué comme solution miracle de sortie de crise, prévaut aussi dans le secteur du bâtiment. Ainsi, hormis quelques maigres réticences émanant de Bercy, les pouvoirs publics accèdent aux demandes des professionnelles du bâtiment et de l'immobilier.
Mais cette situation n'a rien de surprenant tant le gouvernement, pris au piège de l'austérité, a besoin de relais de croissance à court terme. Désormais, il fait sauter les verrous.