La suppression des APL Accession fait débat à l'Assemblée

Par Mathias Thépot  |   |  790  mots
L'article 52 du projet de loi de finances retire des aides au logement aux ménages modestes.
La Commission élargie de l'Assemblée nationale a voté la suppression des aides personnalisés au logement (APL) à l'accession pour les nouveaux acquéreurs. Des amendements ont été adoptés, qui ne changent pas la mesure sur le fond. Une étude d’impact est attendue par les députés avant l’examen en séance publique le 5 novembre.

Voilà une mesure qui crée l'émoi dans le monde de l'immobilier... mais aussi au sein de l'Assemblée nationale. La suppression des aides personnalisées au logement (APL) à l'accession pour les nouveaux bénéficiaires - prévue dans l'article 52 du projet de loi de finances - a en effet alimenté les débats ce matin entre députés de tous bords lors de son examen en Commission élargie.

Elle devrait permettre à l'Etat d'économiser 19 millions d'euros en 2015, a expliqué ce mercredi matin la ministre du Logement, Sylvia Pinel, lors de son audition par la Commission dans le cadre du vote du Budget. Cependant, cet article 52 du PLF risque, selon beaucoup, de détourner à l'avenir une partie des ménages modestes de l'accession à la propriété, dans un contexte où les primo-accédants sont déjà de moins en moins présents sur ce marché.

Il sera toujours possible d'en bénéficier en cas d'accident de la vie

Concrètement, ces APL délivrées pour des projets d'accession à la propriété sont déterminées en fonction des revenus des demandeurs, de leur situation matrimoniale, du nombre d'enfants dans le ménage et du niveau de la mensualité du crédit immobilier. Elles bénéficient jusqu'ici à 500.000 ménages - qui ne seront donc pas concernés par l'article 52 du PLF - et coûtent à l'Etat environ 900 millions d'euros par an, expliquait ce matin le rapporteur de la Commission des affaires économiques (PS) Daniel Goldberg. A titre de comparaison, les APL destinées aux locataires représentent 16,5 milliards d'euros par an.

Il sera tout de même encore possible pour certains ménages qui achèteront après le 1er janvier 2015 de bénéficier de l'APL Accession, mais uniquement, d'après un amendement du député PS Christophe Caresche adopté ce mercredi, "si leurs ressources baissent significativement" (et non plus de 30% comme le prévoyait initialement le PLF) par rapport à la date de signature du prêt immobilier ou du contrat de location-accession. Ce mécanisme est censé sécuriser l'accédant en cas d'accident de la vie et lui donner confiance dans l'achat immobilier.

30.000 ménages bénéficiaient de l'APL Accession chaque année

Certes, mais une aide jouant un rôle de garantie est forcément moins incitative qu'une aide dont l'acquéreur peut bénéficier directement. Si la suppression de cette mesure était confirmée, ce seront ainsi 30.000 futurs bénéficiaires des APL Accession qui chaque année risqueraient de reporter, voire d'annuler leur projet d'achat immobilier dans le neuf ou dans l'ancien.

Une situation inacceptable pour les acteurs de l'immobilier en cette période de crise. Le gouvernement estime de son côté que les effets pervers de l'article 52 du PLF seront compensés par élargissement du dispositif public du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf, et par sa restauration à la marge l'ancien. Le ministère du Logement attend ainsi la production de 30.000 PTZ en plus dès l'année prochaine.

Un jeu à somme nulle ? Non, selon Sandrine Allonier, du réseau de courtiers immobiliers Vousfinancer.com, car "les APL Accession viennent en déduction de la mensualité du crédit. Elles permettent à des ménages modestes dont l'endettement aurait été trop élevé sans cette aide d'accéder à la propriété. Ce dispositif est plus efficace et bien moins contraignant pour eux que celui du prêt à taux zéro".

Une étude d'impact qui pourrait tout changer?

La Commission élargie a tout de même adopté ce mercredi trois amendements à la l'article 52 du PLF dont deux similaires qui donnent la possibilité aux ménages qui bénéficient du prêt social location-accession de percevoir l'APL Accession pendant la période où ils sont locataires ; ce que le PLF 2015 risquait initialement de supprimer.

Concernant le fond de l'article 52, la discussion en séance publique ce mercredi 5 novembre sera déterminante. Les choses pourraient cependant évoluer à en croire le rapporteur Daniel Goldberg, qui a déclaré que cette mesure demandait clairement "à être questionnée au moment de la séance publique". Il attend en fait qu'une "étude d'impact" soit réalisée d'ici là "sur des cas très précis" afin d'avoir une meilleure vision des effets pervers liés à l'adoption de cet article.

En outre, plusieurs députés de la majorité ne sont pas convaincus par la suppression des APL Accession. "Cette mesure de l'article a suscité l'émoi chez tous les acteurs qui contribuent ou participent à l'accession à la propriété sous plafonds de ressources. On ne peut pas en rester là", a notamment invectivé le député PS Jean-Louis Dumont, également président de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Affaire à suivre...