Le spectre d'une hausse des impôts locaux pèse sur les classes moyennes

Par Mathias Thépot  |   |  918  mots
Qui verra ses impôts fonciers augmenter ?
Base de calcul des taxes foncière et d’habitation, les valeurs locatives cadastrales des logements pourraient être révisées. Une phase d’expérimentation va en tout cas être lancée en 2015 dans cinq départements. Mais il n’y aura concrètement pas d’impact à prévoir sur les contribuables locaux avant 2018. Car le sujet est sensible: les classes moyennes risquent d'y perdre des plumes. Explications

Un gouvernement va-t-il (enfin) réformer le calcul des taxes d'habitation et foncière, considérées comme deux des impôts les plus injustes en France ? Le pouvoir exécutif en place semble en effet enclin à réviser les valeurs locatives cadastrales qui servent de base de calcul à ces deux taxes. L'expérience apparemment concluante menée en la matière auprès des locaux commerciaux aurait fini de convaincre les pouvoirs publics de lancer une phase d'expérimentation sur les locaux d'habitations.
Ainsi la Charente-Maritime, le Nord, l'Orne, Paris et le Val-de-Marne ont été choisis pour tester en 2015 la révision des valeurs locatives des logements, selon un arrêté du ministère des Finances publié récemment au Journal officiel. Un rapport sur cette expérimentation devra être transmis au Parlement d'ici le 30 septembre, pour tirer "les conséquences de la révision pour les contribuables, les collectivités territoriales et l'Etat".

Un mode de calcul obsolète

L'enjeu est donc d'actualiser les valeurs locatives cadastrales: en théorie, elles correspondent aux loyers que percevraient le propriétaire sur un an s'il mettait en location ce bien dans des conditions normales du marché. Or le mode de détermination de ces valeurs locatives, qui servent de base aux impôt locaux - les élus appliquent des taux d'habitation à ces bases- est inchangé depuis le 1er janvier 1970. Elles ne reflètent donc plus du tout la réalité du marché du logement. Seule une revalorisation annuelle qui tient compte de l'inflation globale est appliquée, alors que dans certaines zones les loyers ont bien plus augmenté que l'inflation depuis 1970.

Par ailleurs, les valeurs locatives ont été pondérées en fonction des éléments de confort à l'intérieur des logements (baignoire, WC, eau courante, isolation, électricité...), de leur situation, de leur standing et de leur état d'entretien. Or, en 44 ans, la valorisation de tous ces indicateurs a beaucoup évolué. Il y a donc des ménages qui paient aujourd'hui peu de taxes foncière et/ou d'habitation, alors qu'ils vivent dans des logements bien équipés en mobilier moderne et situés dans des quartiers huppés. A l'inverse d'autres paient en comparaison beaucoup au regard du standing plus modeste de leur logement.

Des gagnants et des perdants

Si une révision globale était mise en œuvre, il devrait donc y avoir des contribuables perdants et des contribuables gagnants. Les ménages qui risquent de subir les plus fortes hausses d'impôts sont ceux qui habitent dans des logements anciens construits avant 1970, situés plutôt dans les centres villes - où la valeur réelle des logements s'est le plus appréciée -, qui n'avaient à l'époque pas d'élément de confort spécifique, et qui n'ont pas été agrandis depuis (tout agrandissement donnant lieu à une actualisation de la valeur locative cadastrale). Leurs valeurs locatives tiennent compte de cet inconfort de 1970; devenu largement théorique: depuis, ces logements ont été bien sûr équipés, mais sans que leurs propriétaires le signalent à l'administration.

De même, pour chaque construction de logements neufs depuis 1970, tous les éléments qui déterminent le calcul de la valeur locative cadastrale ont été actualisés. Ce sont donc bien les logements les plus anciens qui risquent de subir les plus fortes hausses. Et comme le confirme un rapport de la Caisse des dépôts : "ce sont les plus grandes villes françaises (plus de 25.000 ménages) et les communes rurales qui ont un patrimoine immobilier représentatif de villes « anciennes »".

Une bombe fiscale pour les classes moyennes ?

Cette révision des valeurs locatives risque-t-elle de pénaliser un nombre important de ménages ? Oui si l'on en croit l'attitude des précédents gouvernements socialistes qui ont depuis le début des années 1990 toujours renoncé à aller au bout d'une telle mesure devant "le risque de créer de bombe fiscale pour les classes moyennes et les classes moyennes supérieures", se souvient Michel Fréchet, président de l'association de consommateurs Confédération générale du logement.
Plus concrètement, s'il est difficile de mesurer précisément l'impact d'une révision complète car il faudrait pour ce faire prendre en compte tous les travaux d'agrandissement menés depuis 1970 ; il est intéressant de noter qu'en 2008, près de 19 millions de logements sur un parc total de près de 32 millions avaient été construits avant 1974, selon les statistiques du Commissariat général au développement durable. Depuis le parc français a augmenté de 2 millions de logements nets. Le nombre potentiel de ménages concernés par une réévaluation de leurs impôts fonciers est donc loin d'être négligeable.

La justice fiscale garantie

Du reste, les élus affirment que le montant des recettes fiscales récoltées après la révision des valeurs locatives sera le même qu'avant. Ce qui amènera uniquement à "une répartition différente de l'impôt dans les communes", explique Philippe Laurent, le président de la commission des finances de l'Association des maires de France. Le principe de remettre de la justice dans le système fiscal local devrait donc être garanti.
Par ailleurs, au regard du travail titanesque que nécessite la mise d'en place d'une telle mesure - il s'agit d'attribuer une valeur locative à 34 millions de logements - les contribuables locaux ne ressentiront pas d'impact "avant 2018", explique Philippe Laurent. De quoi voir venir pour les ménages.