Crédit immobilier : vers la fin de la reprise ?

Par Mathias Thépot  |   |  861  mots
Pourquoi les banques risquent de remonter les taux de crédits immobiliers fin 2015 ?
La distribution de crédits immobiliers est forte en ce début d'année, mais la reprise devrait s'estomper. La faute aux banques qui ont déjà rempli leurs objectifs et ne veulent pas financer à outrance les projets immobiliers.

En France, le crédit est certainement la caractéristique la plus pertinente à prendre en compte pour analyser de l'évolution des prix de l'immobilier. Certains comme l'économiste Jacques Friggit estiment même que le niveau élevé des prix des logements en France proviendrait uniquement de l'environnement financier, caractérisé par une baisse tendancielle des taux de crédits depuis le début du 21e siècle, ainsi que par l'allongement des durées de prêts.

Les évènements récents confirment en partie cette thèse : ces trois dernières années, alors que les taux de crédits immobiliers n'ont cessé de dégringoler à des niveaux nominaux jamais vus, la correction des prix fut toutefois extrêmement lente (-2,2 % en, 2014 et -1,7 % en 2013 et 2012, selon les chiffres de l'Insee) comparée à la hausse du début des années 2000 où les prix ont plus que doublé, alors que les revenus des ménages n'ont crû que de 30 %.

Les prix sont repartis à la hausse !

La baisse exceptionnelle et imprévue des taux de crédits immobiliers lors de ce début d'année (2,26 % en mai contre 2,61 % fin 2015 selon les chiffres de la Banque de France) a même participé à faire repartir le marché. Dans les zones où la demande de logements est très présente, les prix sont repartis à la hausse !

La fédération nationale des agents immobiliers (Fnaim) faisait état la semaine dernière d'une hausse des prix lors du premier semestre de 0,4 % au niveau national, qui se concentre fortement sur les grandes métropoles. Ce redressement des prix va par exemple à contrecourant des prédictions des économistes du Crédit Agricole qui prévoient une correction graduelle jusqu'en 2018 pour que soit gommée la hausse des prix par rapport aux revenus sur la période 1998-2008.

Les banques vont freiner

Cependant, il se pourrait que ces experts n'aient pas encore complètement tort. Car la reprise ne serait que passagère à en croire certains professionnels de l'immobilier. « Il ne faut pas s'emballer », tempère ainsi Ulrich Maurel, président du courtier immobilier Immoprêt.

« Nous craignons que cette reprise du marché immobilier ne se casse dès le second semestre 2015, car la plupart des banques ont déjà atteint plus des trois-quarts de leurs objectifs annuels de distribution de crédits immobiliers. Et il y a fort à parier qu'elles freinent leur production en cette deuxième partie d'année pour éviter les risques de surchauffe », explique-t-il.

Problème, « si les banques ont déjà atteint leurs objectifs annuels, c'est aussi parce qu'elles considèrent que les renégociations de crédits (46 % de la production globale en mai 2015) sont des affaires nouvelles. Mais de fait dans la réalité ce n'est pas le cas », déplore Ulrich Maurel.

Reprise de la correction du marché ?

Ainsi le marché immobilier en France pourrait rependre sa correction graduelle, avec les effets pervers que cela entraine : « Un tel changement de paradigme dans la politique de distribution de crédits des banques affectera d'abord les primo-accédants et les ménages les plus modestes, des publics considérés comme moins solvables », ajoute Ulrich Maurel.

Face à l'afflux de dossiers et ayant atteint leurs objectifs, « les banques sélectionnent davantage et privilégient les clientèles les plus aisées qu'elles nomment « clientèles Premium » ou « Gold » », précise Sandrine Allonier, responsable des relations banques du courtier Vousfinancer.com.

Remontée des taux

Le coup de frein des banques devrait aussi se matérialiser par « une remontée des taux d'intérêt de crédits », prédit Sandrine Allonier, qui a déjà constaté chez une quarantaine de banques, majoritairement non coopératives, que les taux ont été remontés. Elle estime toutefois que « le niveau des taux ne dépassera pas 2,70 % sur 20 ans en moyenne en fin d'année, soit un niveau qui reste d'un point de vue historique extrêmement bas », explique-t-elle.

Bref, les banques françaises sont une nouvelle fois en train de prouver leur aversion au risque de surchauffe du marché immobilier. Une attitude par ailleurs louée par nombre d'experts depuis la crise financière de 2008. La contrepartie à cela est évidemment une relative atonie de leur politique de crédits en période de reprise.

Un risque dans le bilan des banques ?

Mais il ne faut aussi pas occulter que les banques ont dans leur bilan près de 900 milliards d'euros de crédits immobiliers, dont 85 % à taux fixe qui ont pour beaucoup été renégociés ces dernières années à des taux très bas.

Cette masse de crédits à taux fixe les expose fortement à un risque de remontée des taux de refinancement dans les prochaines années. Un problème que la Banque de France avait d'ailleurs mis sur la table l'année dernière.

Les banques françaises ne peuvent donc pas maintenir indéfiniment une production de crédits immobiliers à taux fixe à des niveaux de taux aussi bas. Au-delà d'empêcher la formation d'une bulle immobilière, c'est aussi pour maintenir leur propre solvabilité que les banques pourraient à l'avenir se montrer très prudentes dans leur distribution de crédits.