Immobilier : la reprise va-t-elle se poursuivre dans l’investissement locatif ?

Par Mathias Thépot  |   |  933  mots
Comment se portera le logement neuf en 2016 ? (Crédits : Reuters)
Malgré une très bonne année 2015 qui se dessine pour l'investissement locatif dans le neuf, les professionnels de l'immobilier restent inquiets.

En 2015, les promoteurs immobiliers estiment qu'ils pourraient vendre entre 110.000 et 115.000 logements neufs, dont plus de la moitié grâce au dispositif Pinel. Ce qui ferait de l'année 2015 leur cinquième meilleur cru depuis 20 ans. Cette reprise est donc en grande partie liée au succès du dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif Pinel, qui a assoupli les critères du dispositif Duflot, qui n'avait jamais réussi à décoller. Concrètement, le nouveau Pinel donne d'une part la possibilité à l'investisseur de louer à ses ascendants ou à ses descendants tout en bénéficiant de l'avantage fiscal, et, d'autre part, de récupérer son bien plus rapidement (6 ans contre 9 ans pour le Duflot) tout en profitant d'un avantage fiscal réduit.

Reprise spectaculaire

La reprise est spectaculaire : lors des trois premiers trimestres de l'année 2015, les ventes aux investisseurs des promoteurs ont augmenté de 62,8 % par rapport aux mêmes trimestres de l'année 2014 - une période où le Duflot s'appliquait encore.
Bref, il n'est pas contestable que l'année 2015 soit l'année de la reprise. Pourtant, l'inquiétude reste de mise chez les professionnels de l'immobilier. En effet, les rentrées d'argent liées à la hausse des ventes ne se matérialisent pas par le lancement de nouveaux projets. Les mises en vente des promoteurs continuent de souffrir : si l'on compare aux troisièmes trimestres des années 2011, 2012 et 2013, les mises en ventes des promoteurs immobiliers restent ainsi en fort retrait au troisième trimestre 2015 (jusqu'à 28,5 % de moins par rapport au troisième trimestre 2011), explique la fédération des promoteurs immobiliers (FPI). « La reprise est fragilisée par un manque d'offre », confirme Renaud Cormier, directeur général de Théséis, un groupement de professionnels de la gestion de patrimoine.

Rareté du foncier

Pour expliquer cette incapacité du marché à répondre efficacement à la hausse de la demande, les professionnels de l'immobilier mettent en avant la rareté des ventes de terrains constructibles, la complexification des instructions des permis de construire, le regain des recours abusifs -33.000 ont été recensés par les promoteurs à fin octobre -, ainsi que le poids des normes et des règlementations.
Mais il faut aussi dire que le secteur du bâtiment a été durement affecté ces dernières années. Après une crise marquée par une forte baisse de l'emploi et par beaucoup de défaillances d'entreprises, ce secteur a besoin de temps pour se remettre en ordre de marche et répondre à la demande grandissante. Et le monde du logement neuf ne fait pas exception à la règle.

Des plafonds de loyers trop bas à Paris...

Le succès du dispositif Pinel pourrait donc être tempéré dans les prochains mois. D'autant que « l'effet rattrapage » va commencer à s'estomper. Beaucoup de ménages avaient en effet mis leur projet d'investissement de côté pendant la période du Duflot, dans l'attente d'un dispositif fiscal plus avantageux.

Mais il y a encore d'autres raisons qui peuvent faire craindre un affaissement des ventes aux investisseurs. Certaines villes où les prix sont élevés ne sont en effet pas propices à l'investissement Pinel, dont l'avantage fiscal reste tout de même conditionné à des loyers plafonnés. Ainsi tous les professionnels s'accordent à dire qu'à Paris, où les prix de l'immobilier atteignent près de 8.000 euros du mètre carré en moyenne, le Pinel n'est pas assez rentable. « Le loyer plafonné y est inférieur de près de 30 % aux loyers de marché, la rentabilité est médiocre pour l'investisseur » explique Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l'Immobilier. Il n'est, du reste, pas incohérent que l'Etat demande des contreparties sociales en échange d'une dépense fiscale qui dépasse le milliard d'euros chaque année.

...et trop haut à Marseille et Montpellier

Certains professionnels remettent même en question l'opportunité du Pinel dans des villes comme Marseille ou Montpellier. Alors que d'autres avaient en effet milité pour faire relever les plafonds de loyers dans ces villes il y a quelques mois - ce qu'ils ont obtenu - des voix s'élèvent pour dénoncer des plafonds trop élevés. « Dans des villes comme Montpellier ou Marseille, récemment passées en zone A, les plafonds de loyers sont supérieurs de plus de 20 % aux loyers de marché. Cela conduit donc la plupart du temps à une baisse des loyers pratiqués pour faciliter la recherche de locataires, avec une rentabilité inférieure à celle qui était attendue » détaille Franck Vignaud.

Le PTZ pour compenser ?

Du reste, si la demande des investisseurs venaient à se réduire, les programmes des promoteurs devraient être toujours autant intéressés les ménages en 2016. La réforme annoncée du prêt à taux zéro devrait en effet ramener des primo-accédants sur le marché de l'accession. Concrètement, d'une part la part maximale du montant d'un achat immobilier pouvant être financée par un prêt un taux zéro va être relevée de 26 % à 40 %.

Et d'autre part, les plafonds de revenus pour obtenir un taux zéro vont être relevés.

« Nous pourrions assister en 2016 à un rééquilibrage du marché du neuf entre accédants et investisseurs, grâce à la hausse des montants de prêt à taux zéro et des plafonds de revenus pour en bénéficier qui devraient contribuer au retour des primo-accédants sur le marché et les encourager encore davantage à acheter dans le neuf » confirme Jérôme Robin, le président de Vousfinancer.com. De toute évidence, l'année 2016 sera une année charnière : elle nous dira si l'immobilier neuf connait une reprise pérenne.