Immobilier : les bailleurs gagnent deux fois plus que le reste de la population

Par Mathias Thépot  |   |  620  mots
Près de 40 % de propriétaires bailleurs sont aujourd’hui retraités.
Les propriétaires bailleurs gagnent en moyenne deux fois plus que le reste de la population en France, selon une étude récente. Raison de plus pour encadrer les loyers ?

Si l'on se fiait aux clichés, on serait tenté de décrire les bailleurs - les propriétaires d'un logement qu'ils louent - comme des personnes riches, plutôt d'un âge avancé et qui profiteraient tranquillement de leur rente. Un raccourci simpliste, diront certains. Mais ces clichés sont en partie confirmés par une enquête de l'agence nationale pour l'information sur le logement (Anil). Premier constat éloquent de cette étude publiée il y a quelques jours sur l'état « du parc locatif privé et ses bailleurs » en France : les « ménages bailleurs personnes physiques » sont bien plus aisés que le reste de la population.

Leurs revenus annuels médians s'élèvent à 59.200 euros contre 30.400 euros pour le reste des ménages, soit presque deux fois plus ! Un ménage bailleur sur trois a même des revenus annuels supérieurs au neuvième décile des revenus de la population globale, soit 72.600 euros. « Ces bailleurs qui ont des ressources supérieures à ce neuvième décile détiennent près de 40 % du parc de logements loués par des particuliers », ajoute l'Anil. Environ 85 % des 2,143 millions de bailleurs recensés par l'Anil en France sont, par ailleurs, propriétaires de leur résidence principale. Ils jouissent donc pour la grande majorité d'entre eux d'une situation confortable.

Situation confortable

Les bailleurs ont aussi le plus souvent un âge avancé : 37 % sont retraités, 47 % ont plus de 60 ans, et 69 % ont plus de 50 ans. Au regard de leur âge et de leur niveau de vie, il y a donc une forte probabilité que la grande majorité d'entre eux aient fini de rembourser leurs crédits immobiliers - la durée moyenne effective d'un prêt immobilier se situant entre 7 et 8 ans. Les loyers qu'ils perçoivent sont donc souvent « nets » de remboursements de prêts, et ne sont « amputés » que des charges et des travaux d'entretien.

D'un point de vue macroéconomique, on est donc bien loin du discours des lobbies du secteur immobilier qui, pour annihiler les tentatives politiques de rééquilibrage des droits entre bailleurs et locataires, font toujours appel à la vigilance vis-à-vis du « petit propriétaire modeste », qui loue et s'endette lourdement pour un investissement locatif afin d'assurer ses vieux jours. Ces ménages existent, c'est incontestable : les locataires du secteur privé représentent notamment 9 % des bailleurs et les locataires du secteur social 2 %. Mais en termes de proportions, le discours ambiant semble décalé de la réalité.

Encadrer les loyers dans les zones tendues ?

Quels enseignements pouvons-nous alors tirer de ces statistiques ? D'abord, dans les zones tendues où les locataires consacrent des parts importantes de leur budget pour se loger, ces chiffres donnent des arguments supplémentaires pour encadrer les loyers abusifs, à l'heure où le gouvernement souhaite étendre la mesure sur l'encadrement des loyers à la petite couronne parisienne et à certaines villes de province. Son application est pour l'instant restreinte à Paris intramuros.

En effet, il pourrait d'une part y avoir un problème moral à accepter que les ménages locataires, plus modestes, consacrent une part prépondérante de leurs revenus, parfois abusive, afin de rémunérer des ménages bénéficiant d'une situation confortable. Et d'autre part, cette accentuation permanente du décalage entre les situations financières des propriétaires bailleurs et des locataires crée in fine un frein clair à l'ascenseur social. Car un poids trop lourd des loyers sur le budget des locataires réduit significativement leur capacité à épargner et à consommer autre chose que de l'immobilier.

Sachant que le logement est un bien de première nécessité pour lequel les locataires sont prêts à consacrer une part très importante de leurs revenus, les chiffres de l'Anil interrogent.