L'encadrement des loyers fonctionne, et ce n'est pas surprenant

Par Mathias Thépot  |   |  1001  mots
Environ 30% des nouveaux emménagés à Paris en 2015 ont bénéficié d'une baisse de loyer.
Beaucoup de locataires ont vu leur loyer baisser à Paris depuis l'instauration de l'encadrement des loyers. La capitale reste, qui plus est, attractive pour les investisseurs. Jusqu'ici cette mesure semble donc être une réussite.

Un an après l'entrée en application de l'encadrement des loyers, dont le périmètre a jusqu'ici été restreint à Paris intramuros, l'heure est au premier bilan. Et force est de constater que celui-ci est bon pour les locataires parisiens. En effet selon l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap), 30 % des nouveaux emménagés à Paris en 2015 ont bénéficié d'une baisse de loyer, une proportion inédite qui n'atteignait que 20 % en 2014 et seulement 7 % en 2013.

Instauré pour réduire les abus de certains propriétaires, l'encadrement des loyers était la mesure phare de la loi Alur du 24 mars 2014, portée par l'ex-ministre du Logement Cécile Duflot. Elle impose désormais qu'à l'occasion de la signature d'un nouveau bail ou lors d'un renouvellement, le loyer d'un logement ne puisse dépasser de 20 % un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de plus de 30 %. Le propriétaire-bailleur peut, certes, déroger à la règle par le biais d'un complément de loyer, mais uniquement si le logement qu'il loue possède une caractéristique exceptionnelle de localisation ou de confort.

Les investisseurs toujours intéressés...

Pour l'instant, la mesure est donc un succès à Paris pour les locataires... et ne semble pas avoir affecté l'appétit des investisseurs, malgré les moult mises en garde des professionnels du secteur de l'immobilier, qui craignaient des « conséquences ravageuses » sur le marché. Ainsi, Paris est désormais, avec Bordeaux, la ville la plus attractive pour réaliser un investissement locatif en France, selon un sondage Opinion Way pour le réseau immobilier Guy Hoquet, réalisé auprès d'un panel d'investisseurs. En un an, la capitale est même remontée de la cinquième à la deuxième place du palmarès des villes où investir. Des forces de marché bien plus puissantes que le simple encadrement des loyers sont en fait à l'œuvre.

D'abord parce que les critères de rentabilité à court terme sont moins déterminants à Paris qu'ailleurs. Depuis le début du siècle, les prix ont augmenté davantage que les loyers dans la capitale, ce qui a réduit mécaniquement la profitabilité de l'investissement locatif parisien. Pourtant, Paris a accru son attractivité sur cette période, et les investisseurs voient « toujours dans la pierre parisienne un investissement rassurant et de long terme », indiquait à l'AFP Serge Bussat, un agent immobilier Guy Hoquet à Paris. « Il s'agit d'un marché tendu et dynamique, marqué par une forte demande et un manque d'offre, qui assure aux investisseurs de louer leur bien », ajoute-il.

Réduire les abus

Ensuite, il faut reconnaître que l'encadrement des loyers n'a pas été instauré pour abaisser tous les loyers mais bien pour réduire les abus. En effet, la mesure ne fait qu'interdire les loyers qui sont de 20 % supérieurs à un loyer de référence déterminé par quartier et par type de bien (vide ou meublé, nombre de pièces, surface, ancienneté). Et cela se voit dans les chiffres : certes les loyers ont baissé en 2015 pour 30 % des nouveaux emménagés parisiens, notamment grâce à l'encadrement. Mais en parallèle, les loyers des nouveaux contrats de location parisiens sont restés globalement en hausse d'1,6 % par rapport à 2014, à 24,80 euros le mètre carré en moyenne. Il n'y a donc pas de baisse du niveau moyen des loyers à Paris, au contraire, mais bien une baisse du nombre de loyers abusifs. Jusqu'ici, la rentabilité des bailleurs qui ne pratiquent pas des loyers abusifs n'est donc pas inquiétée par l'encadrement.

Des loyers de référence élevés

Par ailleurs, il n'y a qu'à se rendre sur la plateforme internet du gouvernement dédiée à l'évaluation des loyers, pour se rendre compte que le niveau des loyers de référence reste relativement haut, notamment pour les petites surfaces - qui sont par ailleurs connues pour être les plus rentables à Paris. La loi s'attaque donc bien à des loyers abusifs. Des loyers qui le plus souvent pèsent très lourd sur le budget des locataires, et qui ont pour effets pervers de réduire significativement leur capacité à épargner et à consommer autre chose que de l'immobilier.

Il y a là un débat majeur : sachant que le logement est un bien de première nécessité, les locataires sont prêts à y consacrer une part très importante de leurs revenus. Faut-il alors laisser se développer des pratiques fixant des loyers indécents, avec des conséquences sociales et économiques potentiellement néfastes, au seul titre du respect d'une loi du marché impitoyable qui accroît les rendements à court terme quand les déséquilibres le permettent ?

Paris, une ville très dense

Les tenants d'une ligne plus libérale expliquent certes que ce n'est pas par un excès de régulation que l'on fait baisser les prix ou les loyers, mais par un accroissement significatif de l'offre de logements... mais pour Paris intramuros, cet argument reste très limité, car la capitale française est la grande ville occidentale la plus dense au monde. Avec un parc de près d'1,4 million de logements, il est très difficile d'y construire significativement plus - la mairie de Paris a pour objectif de mettre 10.000 nouveaux logements à dispositions des parisiens chaque année sur le marché - et d'influencer significativement le marché.

Le débat devrait en fait se régler au niveau de la petite couronne, où le gouvernement compte, pour plus de cohérence, étendre l'encadrement des loyers à 400 villes des trois départements de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). L'Olap possède déjà, comme pour Paris, les données suffisantes pour fixer les fameux « loyers de référence » par quartier et par type de bien. Et alors que la métropole se développe et vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux en son sein, réduire les loyers abusifs en grande couronne n'aurait rien d'absurde.