Pourquoi François Hollande annonce-t-il des mesures pour les primo-accédants ?

Par Mathias Thépot  |   |  744  mots
L'immobilier va-t-il permettre à François Hollande de résorber le chômage ?
Pour regagner des points de croissance avant les élections et redonner de la confiance à l'économie, le président de la République va relancer l'aide à la primo-accession.

Quoi de mieux pour relancer la croissance à court terme que l'immobilier ? L'adage « quand le bâtiment va, tout va » résonne en effet de plus en plus intensément dans les oreilles des personnalités politiques au fur et à mesure que la campagne présidentielle approche. François Hollande ne déroge pas à la règle. Il a annoncé ce lundi matin sur RTL que son gouvernement allait « encore prendre des dispositions pour que l'accession à la propriété - ça intéresse beaucoup de nos concitoyens, notamment ce qu'on appelle les primo accédants - puisse être facilité. » « Je ferai des propositions dans cette direction (...), nous avons besoin de construire », a donc indiqué le chef de l'Etat.

Contraintes budgétaires

Contraint budgétairement, les gouvernements successifs de François Hollande n'avaient jusqu'ici pas donné de signaux aussi fort allant dans ce sens. Aucun n'a lancé de grand plan de soutien à l'accession à la propriété, comme l'avait fait en 2009 l'exécutif précédent à contrecourant du marché - ce qui avait par ailleurs accentué les écarts entre les revenus disponibles des ménages et les prix des logements.

Seul le gouvernement Valls II s'était attelé à élargir le périmètre du prêt à taux zéro (PTZ) à des ménages plus aisés dans l'immobilier neuf et aux communes rurales dans l'ancien, mais dans un cadre budgétaire limité ; alors même que la profession immobilière appelle de ses vœux un PTZ dans l'ancien élargi aux zones tendues. Rappelons d'ailleurs que le budget du prêt à taux zéro est passé de 2,25 milliards d'euros par an en 2011 à seulement 631 millions d'euros en 2013, selon les Comptes du Logement.

Marges de manœuvre

L'exemple de PTZ est révélateur : le gouvernement s'est en quelque sorte laissé des marges de manœuvres pour soutenir la primo-accession. Le discours de début de mandature était même davantage consacré au soutien des locataires. Mais la crise ne s'étant que peu estompée, et François Hollande ayant promis qu'il ne se représenterait pas s'il n'inversait pas la courbe du chômage, le chef de l'Etat a estimé qu'il était temps de soutenir de nouveau le secteur du bâtiment, à l'activité très cyclique, et qui peut, du haut de ses 1,5 million d'emplois, redonner de l'air à un gouvernement en quête de chiffres positifs sur l'emploi et la croissance.

Au-delà de l'impact direct des nouvelles mesures qui ne pourront pas, seules, faire repartir l'emploi significativement, c'est davantage le climat de confiance qu'elles pourraient amener qui intéresse le président de la République. Comme le dit l'économiste du Cepii Thomas Grjebine, « le marché immobilier repose sur les anticipations des ménages. S'ils anticipent une baisse des prix, ils ne vont pas se précipiter pour acheter de peur de faire une moins-value à terme ».

Faire croire aux ménages que les prix vont monter

C'est ce qui se passe en ce moment puisque les prix sont globalement dans une phase descendante qui devrait courir jusqu'en 2017 ou 2018, selon les prévisions d'économistes, si les conditions de taux d'intérêt d'emprunts restent les mêmes. A ce moment-là, les ménages auront reconstitué leur pouvoir d'achat immobilier d'il y a 20 ans.

A l'inverse, si les ménages sont sûrs que les prix vont augmenter, on peut penser qu'ils se précipiteront pour acheter. Les anticipations peuvent ainsi avoir un impact réel, qui va bien au-delà des seuls ménages bénéficiaires des futures mesures du gouvernement. C'est ce que semble rechercher François Hollande : il souhaite que tous les agents économiques pensent que la baisse des prix va s'enrayer pour faire repartir le marché. Sans quoi il faudra penser à d'autres leviers de croissance que l'immobilier, bien plus difficiles à actionner...

Effets pervers

Du reste, ce type de mesures s'accompagne souvent d'effets secondaires pervers, qui ont pour principal conséquence de faire peser de manière trop forte les dépenses liées au logement dans le budget des ménages.

Un phénomène qui peut à terme nuire à la compétitivité de l'économie, que ce soit en contraignant les entreprises à augmenter leurs salaires, en éloignant les salariés de leur lieu de travail, ou même en empêchant les ménages de consommer ou d'épargner autre chose que de l'immobilier. Sans oublier, enfin, le risque que les inégalités entre propriétaires et locataires ne se creusent encore...